Abstract
En 1975, la première édition du Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés (FTPTI) agit comme le révélateur de la vitalité artistique des immigrés et comme un fédérateur des troupes, jusque-là éparses et clairsemées, autour d’un discours et d’une esthétique communs indéniablement liés à la construction d’une identité « immigrée » et à la lutte contre les nouveaux rapports de force établis après la décolonisation. Dans l’idée que l’immigration postcoloniale occuperait dans les années 1970 la place qu’occupait hier la colonisation, les troupes multiplient les références historiques et mémorielles, comme l’évocation permanente de la période coloniale ou un retour à la culture traditionnelle d’origine. L’histoire de l’immigration se dessine à l’intérieur de l’espace scénique qui devient l’espace du surgissement des mémoires parallèles et clandestines : nous sommes face à une mise en scène de la filiation qui permet de lutter contre l’oubli et le silence. Reflétant l’aventure collective des travailleurs immigrés en France, le FTPTI va plus loin que la simple volonté de témoigner d’un présent : il nous fournit une clé de lecture et de compréhension sur le poids du passé.
L’étude des courants artistiques postcoloniaux dans le champ de la recherche scientifique se caractérise par une lecture relativement tardive des mouvements et de leurs contextes d’émergence. Si les Postcolonial Studies en Grande-Bretagne et aux États-Unis ont démontré dès la fin des années 1970 le poids important du passé colonial dans les modes de pensée et de construction esthétiques de nouvelles « cultures », les études françaises ne se sont penchées que très récemment sur la décolonisation et ses conséquences, notamment dans l’émergence de nouvelles formes de création artistique. Après Orientalism (L’orientalisme)[1], ouvrage fondateur des études postcoloniales publié en 1978 aux États-Unis, Edward W. Said analyse dans Culture et impérialisme, l’étonnante continuité du système impérial, qui « perdure là où il a toujours existé, dans une sorte de sphère culturelle générale et dans des pratiques politiques, idéologiques, économiques et sociales spécifiques »[2]. Sous des formes certes renouvelées, les logiques impériale et coloniale irriguent désormais notre présent et « jamais nous n’avons mieux perçu combien les réalités historiques et culturelles sont bizarrement métissées, comment elles participent d’une multiplicité d’expériences et de domaines contradictoires, débordent les frontières nationales, défient la logique policière du dogmatisme simpliste et de la vocifération patriotique »[3]. Replacer l’auteur, l’artiste ou le créateur « dans son être au monde »[4], comme le fait Saïd avec quelques grandes figures des littératures internationales, c’est ainsi mesurer l’ampleur des effets de l’impérialisme et du colonialisme sur nos sociétés postcoloniales et la structuration, par enchevêtrement continu, de nouvelles formes esthétiques. L’expérience coloniale française en Algérie ne saurait ainsi s’arrêter en 1962 : elle irrigue encore, dans une sorte de contorsion temporelle et spatiale, notre présent. La vaste migration humaine qui en est le produit fait de la France un pays empreint de son passé, marqué par son héritage historico-culturel et les esthétiques qui en résultent se retrouvent enracinées dans ce réel.
Dans le domaine plus spécifique du théâtre, l’esthétique immigrée postcoloniale est généralement associée à l’émergence du mouvement « Beur » au début des années 1980 : de jeunes troupes de théâtre comme La rose des sables, Les enfants d’Aïcha ou encore Ibn Kkaldoun, composées de fils et de filles d’immigrés, se développent sur l’ensemble du territoire français, en explorant la situation douloureuse vécue par la « seconde génération » de l’immigration. Elles s’y construisent comme des héritiers de l’expérience coloniale en explorant les liens qui les unissent au passé de leurs parents ou grands-parents. Pourtant, comme le souligne Mamadou Moustapha M’Boup, c’est « au lendemain des « indépendances » des pays africains et, plus particulièrement au cours des années 1960, qu’une tradition théâtrale typiquement immigrée commence à se faire reconnaître »[5] et au moment même où l’immigration en France rentre dans une phase de stabilisation, cette activité devient « la plus répandue tout en étant la moins spectaculaire »[6]. Peu connu, victime des ravages du temps qui tend à effacer les traces de cette production artistique florissante ; le théâtre immigré de la fin des années 1960 et du début des années 1970 s’est effacé aussi vite qu’il s’est créé et reste aujourd’hui encore largement marginalisé dans le domaine des études théâtrales même si plusieurs textes scientifiques existent sur ce mouvement[7].
Au moment de son apparition, le théâtre immigré formule « un espace de création propre à l’immigration avec son répertoire et ses références, ses lieux de représentations et ses réseaux[8] ». Toutefois, les troupes, groupes, ou compagnies, bien que reflétant une aventure collective, paraissent à première vue éparses et clairsemées, surgissant de manière sporadique sur l’ensemble du territoire. Il est donc complexe de quantifier le nombre exact de troupes de théâtre immigré (dont on date l’explosion vers 1972 ou1973[9]) car leur caractère amateur, éphémère et marginal rend difficile l’établissement d’une liste exhaustive : « les premiers résultats des recherches documentaires montrent un espace culturel et artistique émietté qui ne se revendique pas d’une définition commune et qui ne dispose pas de formes d’organisation identifiables »[10]. Pourtant, comme le démontrera en 1975 la première édition du FTPTI, un lien très fort unit l’ensemble de ces troupes : c’est toujours sur le terrain de la lutte que se constituent les différentes troupes, pour qui le théâtre devient un prolongement naturel de l’activité politique et militante. À l’instar d’un Kateb Yacine, pour qui le théâtre devait remplir une fonction politique et sociale, les troupes de théâtre immigré considèrent l’acte militant et l’acte de création comme les deux versants d’une même action, et ce, malgré les divergences et les différences (idéologiques, esthétiques) des différentes troupes. La première édition du FTPTI, en 1975, va agir comme le révélateur de la vitalité artistique des immigrés, en réunissant ces troupes en un seul lieu, trois semaines durant, mais également comme un fédérateur, en les rassemblant autour d’un discours et d’une esthétique communs, indéniablement liés à la construction d’une identité « immigrée » et à la lutte contre les nouveaux rapports de force établis après la décolonisation.
Les organisateurs du festival, par l’intermédiaire d’une plateforme de revendication, partent de l’idée que l’immigration est la « fille de la colonisation »[11], c’est-à-dire qu’il existe des analogies dans les relations de domination pré et post indépendance : l’immigration postcoloniale occuperait dans notre système la place qu’occupait hier la colonisation.
Le postcolonial implique une forme d’éclatement du récit dominant et « la possibilité de penser, imaginer, écrire et raconter autrement »[12]. L’objectif de la première édition du FTPTI est de permettre aux immigrés de se dire dans l’histoire, de reconsidérer l’histoire coloniale mais à partir « du point de vue de ceux qui en ont subi les effets et à partir de l’analyse de son impact culturel et social sur le monde contemporain »[13]. Théâtre du quotidien, reflétant l’aventure collective des travailleurs immigrés en France, les créations du théâtre immigré vont plus loin que la simple volonté de témoigner d’un présent. Les troupes jouent sans arrêt sur l’hybridation, la dissonance et le décentrement en formulant des spectacles aux espaces, aux temporalités et aux références culturelles multiples. Le FTPTI nous fournit une clé de lecture et de compréhension sur le poids du passé, et ses résurgences dans le temps présent. La mise en écriture, la mise en scène et « la mise en corps » du passé permettraient alors de reconstituer les « trous de l’histoire » nationale, de combler le vide laissé par l’impossibilité de l’écriture d’une histoire commune.
L’immigration en scène
L’apogée du mouvement théâtral immigré en France est marquée par la création, en juillet 1975, du premier Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés (FTPTI) à l’initiative de la CIMADE[14] et de la Maison des Travailleurs Immigrés de Puteaux (MTI)[15]. Au fur et à mesure des différentes éditions, le festival prend de l’ampleur et se décentralise. En 1976, la deuxième édition du festival se situe d’abord à la mutualité à Paris puis dans la banlieue parisienne et enfin en province. Après une pause en 1977, il reprend en 1978 et continue de s’étendre, avec 200 manifestations dans une trentaine de villes. En 1979, il s’étend dans l’Europe entière. Le festival se fait le représentant des cultures immigrées au sens large et programme des films, des groupes de musique et des danses folkloriques. Néanmoins, le théâtre constitue le moyen privilégié d’expression de la communauté immigrée. Les programmes des quatre éditions du festival regroupent des troupes de théâtre de diverses origines : maghrébines, africaines, portugaises, antillaises, espagnoles, turques ou encore italiennes[16]. Les troupes maghrébines (marocaines, algériennes et tunisiennes), moyennement présentes lors de la première édition, y seront rapidement les plus nombreuses.
Pendant les différentes éditions du festival, une trentaine de troupes, d’origine algérienne, tunisienne ou marocaine se succèdent. Elles relèvent pour la plupart du théâtre amateur et militant (seule la troupe Nedjma est semi-professionnelle) : leurs membres sont des ouvriers, des étudiants ou des animateurs socioculturels. Parmi elles, nous pouvons citer le Théâtre arabe dans l’immigration avec El Meddah ou il était une fois et Fais pas le guignol J’ha , la troupe Al Jalya avec Il était une fois l’immigration, la compagnie Ventôse avec L’Exil, la troupe Al Assifa avec Ça travaille, ça travaille mais ça ferme sa gueule, la troupe Imesdurar avec Llem Ik , la troupe Zaït et Baït avec On y va Zaït ?, la troupe Nedjma avec Barka ou la vie barisienne, la troupe des Comédiens Immigrés avec La charrette, la troupe du Douar avec Ech magsah yalaryan et la troupe La Kahina avec Pour que les larmes de nos mères une légende.
Les troupes mettent en scène les problèmes économiques, sociaux et politiques auxquels les immigrés sont confrontés. La trame dramatique représente des situations quotidiennes, qui ne sont ni vraies ni fausses mais « vraisemblables », c’est à dire considérées par les membres des troupes comme valables politiquement, socialement et dramatiquement. C’est une condition préalable pour que le spectacle se transforme en témoignage collectif et universel. Guidées par une volonté de représentation biographique, les mises en scène permettent de témoigner de l’immigration dans laquelle « s’inscrit la peine des hommes[17]», de représenter le déracinement et la solitude.
Les représentations sont parfois une traduction dramatique de l’observation de la réalité ou de faits vécus par les membres des troupes. Pour la troupe Zaït et Baït[18], la réflexion et l’observation précèdent le témoignage, comme le précise Belkacem, l’un des membres fondateurs de la troupe, dans un entretien accordé à Joseph Ruisselet en 1977 :
« Tout notre travail est basé sur l’observation de la réalité. Par exemple, qui n’a pas vu des immigrés en difficulté dans un bureau de poste ou à la sécurité sociale ? [...] On s’est mis dans la situation d’un immigré qui parle très mal le français, et nous avons cherché jusqu’où pouvait aller l’incompréhension[19].»
Leur spectacle On y va Zaït ?, créé en 1976 et présenté lors de la seconde édition du FTPTI, est une traduction dramatique de cette situation à la fois vécue et observée. Composé d’une suite de « sketches[20]», il présente les péripéties ordinaires de deux immigrés algériens en difficulté face au système administratif français. La même année, la troupe Nedjma[21] (fondée par Moussa Lebkiri et Annie Rousset) présente un spectacle au canevas similaire. Barka ou la vie Barisienne est une suite de scénettes dans lesquelles évolue à chaque fois un personnage différent dans un très large spectre de situations réalistes et quotidiennes : au travail, réclamant son salaire ou cherchant un logement. Il s’agit de représenter les journées « types » d’un travailleur immigré tout en montrant avec un langage dramatique approprié, une situation d’injustice et d’exploitation.
Les conditions de travail sont également le socle dramatique de beaucoup de créations, qui décrivent l’amertume de l’ouvrier, considéré uniquement pour sa force de travail : « Dans une tentative de se décrire eux-mêmes, des maghrébins empruntent le regard des ʻcivilisésʼ qui les entourent et avec un ton sarcastique, ils se définiront comme des ʻÇa travaille et ça ferme sa gueuleʼ »[22], titre-slogan de la première création de la troupe Al Assifa[23], présentée au FTPTI en 1975. Les pièces créées sont en quelque sorte une utilisation dramatique du stéréotype « métro, boulot, dodo ». Mais au-delà de la représentation du quotidien, la première édition du FTPTI marque l’apparition d’un « front culturel des immigrés »[24] : le mouvement théâtral qui prend forme et sens dans cette manifestation se place sous l’aulne de la revendication politique et militante.
Théâtre postcolonial : une esthétique hybride
Le festival adopte très vite une plateforme revendicative, articulant à la pratique du théâtre le désir de relayer les luttes politiques des travailleurs immigrés en France. Elle contient six points majeurs : l’un d’entre eux rejette les tentatives d’assimilation et d’intégration de la part de la « bourgeoisie du pays d’accueil » et cela par la préservation de l’identité culturelle et de la culture du pays d’origine des immigrés. Le 2 juin 1979, lors de la clôture du 4ème festival à Strasbourg, une charte revendicative des droits des travailleurs immigrés[25] réitère cette volonté en invoquant un droit à la différence culturelle et linguistique couplée d’un droit à l’exercer. Ces revendications s’inscrivent dans la lutte menée par les travailleurs contre « l’impérialisme nouveau », celui qui s’applique dans la France postcoloniale, notamment à travers le marché de la main-d’œuvre étrangère.
Le FTPTI cherche à définir sa propre conception de la culture. À l’ouverture de la première édition du festival, en 1975, le discours prononcé au nom des organisations de travailleurs immigrés du comité de coordination dit ceci :
« Ce rassemblement culturel ne cherche pas à prouver que les travailleurs, d’une manière générale, et les travailleurs immigrés en particulier, sont ou ne sont pas cultivés. Son objectif n’est pas de prétendre à un accès à la culture dans l’abstrait. […] Ce festival cherche à démontrer que les travailleurs immigrés ont leur point de vue sur la culture et réalisent dans ce domaine des activités propres, selon leur conception du monde, selon leur place d’exploités et d’opprimés dans la société capitaliste, selon leur condition de travailleurs expatriés des pays dominés par l’impérialisme[26].»
L’idée que le théâtre immigré relèverait simplement de l’activité politique et militante est réductrice. Comme tout mouvement et comme tout théâtre, le théâtre immigré développe une esthétique qui lui est propre. Les moyens financiers très limités des troupes vont conditionner leurs options esthétiques. C’est un théâtre nu, avec très peu de décors, très peu de costumes, très peu d’accessoires mais qui mise beaucoup sur l’imaginaire et le symbolique.
Depuis l’apparition des premières troupes de théâtre immigré, de nombreux éléments et traits appartenant à différentes cultures s’interpellent, s’interpénètrent et se télescopent dans l’univers scénique. Cette esthétique se définit par rapport à trois paramètres qui interagissent entre eux : le patrimoine culturel populaire issu du vécu avant l’immigration, les réalités quotidiennes de l’immigration liées au nouveau contexte socio-économique et socioculturel et l’échange avec la culture du pays d’immigration [27]. Les créations prennent forme et sens par une hybridation permanente des références culturelles et identitaires et la préservation d’une identité culturelle devient l’un des objectifs pour les organisateurs et les troupes présentes aux différentes éditions du FTPTI, comme l’explique la troupe du Théâtre Arabe dans l’Immigration :
« Pour résumer, je dirais que notre rôle consistera à combler un vide inhérent aux conditions mêmes du déplacement. Vide culturel bien sûr mais surtout dérapage progressif de l’individu expatrié sur le socle de son identité. Il s’agit en d’autres termes de contribuer à éviter une perte collective de mémoire. Notre action doit aboutir à la pratique d’un théâtre au service des revendications socioculturelles de l’immigration et qui permette à celles-ci ainsi qu’à nous-mêmes, en tant que comédiens émigrés, de trouver une fonction active à nos expressions culturelles authentiques et de les intégrer dans nos rapports avec notre milieu de vie »[28].
Le théâtre immigré possède donc ses symboles, ses codes, ses gestes, ses langages, ses caractéristiques textuelles et scéniques propres. Espace de préservation des « expressions culturelles authentiques », le festival revendique une identité culturelle immigrée, notamment à travers l’utilisation de la langue maternelle, et cela contre les tentatives d’assimilation du pays d’accueil : le choix d’une langue immigrée, ou encore l’utilisation exclusive de la langue d’origine, sont autant d’éléments essentiels qui investissent l’espace de la création.
Si dans un article dédié à la première édition du festival Georges Banu souligne les effets du contact linguistique et le « rapport de familiarité libéré de tout complexe[29] » dû aux choix de la langue, la proximité avec le public (majoritairement immigré) n’est pas la seule raison de ce choix par les troupes ou par les organisateurs du festival. L’emprunt linguistique et l’utilisation de la langue d’origine permettent de combler les manques culturels et identitaires rencontrés par l’immigration en France : les troupes se tournent vers des langues et des dialectes populaires à fortes valeurs identitaires. La langue s’inscrit alors dans le sentiment d’appartenance à une communauté et procède d’un retour aux origines. L’utilisation de l’arabe algérien[30] ou du berbère[31] renvoie à un autre espace-temps, à savoir celui d’ « avant » la colonisation française[32].
Les troupes utilisent toutes le trilinguisme, souvent un mélange de français, d’arabe et de berbère. Elles inventent un « parlé immigré », parfois jusqu’à l’exagération volontaire. Dans Barka ou la vie barisienne de la troupe Nedjma, Moussa, un ouvrier accidenté utilise un langage fortement algérianisé : « ji droit à l’argent », les « e » deviennent « i », les « r » sont roulés. La langue maternelle intervient parfois par petites touches. Des expressions populaires et des accents interviennent comme des restes de la langue : des miettes, résultantes de l’histoire de l’immigré, de l’histoire de la colonisation et de l’histoire de la langue elle-même.
Les créations du théâtre immigré puisent dans la source du populaire et du traditionnel. Dans son article Un festival pas comme les autres, Suresnes 1975, Georges Banu s’intéresse tout particulièrement au spectacle de la troupe tunisienne du Théâtre Arabe dans l’Immigration (fondée en 1975) El Meddah (le conteur) et considère cette utilisation d’une forme traditionnelle de « divertissement » comme une mise en vie de l’appartenance ethnique :
« À travers lui et à l’intérieur de la ronde, le cercle imposé par tout conteur traditionnel, le spectacle débat de la situation des travailleurs agricoles arabes. La lecture sociale se renforce par l’inscription dans la structure du conte oriental. La mémoire du public se réveille : le spectacle, tout en lui adressant une parole sur le présent, l’aide à récupérer son espace et son temps culturel »[33].
Dans la tradition des conteurs populaires du Maghreb, El Meddah ou il était une fois raconte l’histoire d’un village de paysans en lutte contre des propriétaires terriens. Le spectacle réutilise les procédés scéniques des séances de contage traditionnel. La réutilisation du conte et de la figure du conteur est l’occasion de renouer avec l’espace de la narration circulaire de l’Halqa (cycle ou cercle). Comme dans les séances traditionnelles de contage, le lieu physique et concret de la scène disparaît et le public se rassemble autour de la performance du narrateur. L’espace scénique n’est ni délimité par une scène ni par un rapport frontal mais suggéré par le jeu.
Dans les créations immigrées, il est également courant de retrouver des personnages directement issus des contes comme Djoha[34], un personnage populaire bien connu dans les pays du Maghreb, plus largement dans le monde arabo-musulman. Traditionnellement, Djoha est un personnage bouffon que l’on retrouve dans un corpus très diversifié : de la simple blague ou de la simple anecdote aux histoires plus complexes des contes et des récits merveilleux. En Algérie, Djoha est le personnage principal des histoires racontées aux enfants, mais il fait également bonne figure dans les anecdotes racontées lors de réunions amicales ou familiales et parfois même lors de réunion plus solennelles. Il sera réutilisé à de nombreuses reprises par les dramaturges algériens, non seulement pour sa force comique certaine, mais aussi parce qu’il est l’épicentre de la tradition orale.
Kateb Yacine l’utilise dans plusieurs de ses pièces. Déjà présent dans son texte satirique, La Poudre d’intelligence, publiée en 1959, on retrouve Djoha dans la quasi-totalité de ses pièces écrites pré et post indépendance : L’homme aux sandales de caoutchouc, La guerre de deux mille ans, Palestine trahie et enfin Mohamed, prends ta valise, jouée en 1972 en France. Dans cette dernière, Kateb Yacine introduit la figure de Djoha sous les traits de Mohamed Zitoune, figure « creuset » et incarnation de l’algérien tour à tour émigré ou immigré. Personnage central, il devient volontiers narrateur, parlant de lui, se présentant, donnant des explications ou commentant les évènements, tout en s’adressant directement au public :
- « - Mohamed, au public :
- C’est moi, Mohamed Zitoune,
- Autrement dit Mohamed-les-olives.
- Mon grand frère a des oliviers,
- Et moi, pauvre orphelin,
- Je suis là à voler des olives ! [35] »
Comme dans les histoires de Djoha, très peu de caractéristiques lui sont conférées : on lui reconnait certains traits de caractère (il est naïf, rusé, agile) mais aucune description physique ne s’y rattache. Il est dans une position de victime, constamment rejeté par ses interlocuteurs : soldat français ou balayeur, il est soumis au racisme, à l’exploitation, au déni d’existence, par les français, la police, son propre frère, au gré de ses allers retours entre Alger, Marseille et Paris.
Le personnage de Djoha est une forme de réceptacle capable d’épouser toutes sortes de situations. Il n’appartient à aucune temporalité ni à aucune époque, ou plutôt il est de tous les temps et de toutes les époques. Dans Barka ou la vie barisienne, présenté lors du second FTPTI, la troupe Nedjma modifie légèrement les traits et les formes de ce personnage populaire en le replaçant dans un contexte quotidien et contemporain. Comme dans les aventures traditionnelles de Djoha, que l’on retrouve au marché, à la mosquée ou dans sa maison : on retrouve, dans Barka ou la vie barisienne, sa traduction immigrée à la sécurité sociale, cherchant un emploi ou dans un foyer de travailleurs. Youssef, le personnage balayeur s’y présente devant le public, tout comme Mohamed Zitoune :
- « Je m’présente, je m’appelle Youssef !
- Je suis balayeur municipal et je vois tous les événements dans ce village de Barris ! »[36].
Pour les comédiens du Théâtre Arabe dans l’Immigration, la réutilisation de la culture traditionnelle ne correspond pas à une volonté de projeter l’image d’une Afrique du Nord folklorique ou exotique :
« Nous faisons appel à nos expressions culturelles authentiques, entendez par là la richesse de la culture populaire maghrébine débarrassée de tout folklorisme pour véhiculer des thèmes sociaux et politiques qui se situeront au-delà des stéréotypes d’usage, des affirmations abstraites et des danses forcenées autour d’images fétiches stériles »[37].
La langue maternelle, la figure du conteur, l’espace traditionnel de l’oralité ou encore le personnage populaire de Djoha matérialisent le rapport au pays d’origine tout en le décontextualisant et en le transposant en contexte contemporain. L’hybridation entre la tradition et la modernité, entre la langue du colon et la langue du colonisé, permet de signifier symboliquement les rapports de force qui existent encore après la décolonisation. Ce rapport conflictuel est la base des créations, une mise en image des luttes à mener pour dénouer la dialectique oppresseur/opprimé. Cette esthétique induit le recours à un espace-temps complexe : tout en représentant le travailleur immigré dans le présent, les troupes investissent l’Histoire et les événements du passé.
Quand le présent se fait anachronique
La théorie postcoloniale fait apparaitre l’impossibilité de séquencer ce qui renvoie à un « avant » et à un « après » la colonisation. Le postcolonial engloberait selon Marie-Claude Smouts « toutes les phases de la colonisation »[38] : de la conquête à l’indépendance, sans oublier le temps présent et son au-delà. Antonella Corsani, dans un article intitulé « Narrations postcoloniales »[39], reprend également cette idée :
« Si le “post” ne renvoie pas à une lecture linéaire de l’histoire, ni à une postérité par rapport à l’époque coloniale, la condition postcoloniale ne peut être pensée en dehors de l’expérience coloniale. […] Plutôt que d’indiquer une fracture ou une séparation nette par rapport au passé, il signifie, dans une sorte de rétorsion épistémologique lyotardienne, exactement le contraire : l’impossibilité de son dépassement, étant donné les dynamiques néocoloniales qui ont caractérisé la plupart des processus historiques de décolonisation formelle. Il est donc le symbole de la persistance de la condition coloniale dans le monde global contemporain »[40].
Dès 1989, Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin, dans The Empire Writes Back[41], soulignaient le fait que le « post-colonial » désigne l’existence d’ « une continuité de préoccupations qui court tout au long du processus historique initié par l’agression impériale »[42] et qu’il peut être utilisé pour désigner toute culture affectée d’une manière ou d’une autre par le processus colonial et impérial et ce à partir de l’avènement du phénomène colonial jusqu’à nos jours. De nouvelles cultures, au sens large (politique, sociales, militantes, littéraires, artistiques, etc.), émergent alors « à partir de l’expérience de la colonisation et s’affirment en mettant en avant une tension à l’égard de l’[ancien] empire colonial »[43].
Cette persistance de la condition coloniale en contexte postcolonial est violemment dénoncée dès la première édition du FTPTI. Comme l’explique Frédéric Maatouk, le festival « devait favoriser la réflexion d’événements plus ou moins éloignés dans le temps »[44] : il joue sur la déconstruction/reconstruction d’une mémoire et d’une histoire collective et « sur une situation d’enchevêtrement des temps et des territoires »[45]. La scène devient le réceptacle d’un défilement des événements qui ne tient compte ni des temporalités ni des repères spatiaux. Les personnages se déplacent dans un « fatras d’histoire »[46] et de temporalités. La mise en scène des conditions de vie de l’immigration algérienne en France entre en résonance avec certains événements douloureux, et formule l’étalement d’un destin au sein d’un processus historique donné.
La troupe d’agitation-propagande[47] Al Assifa s’inspire[48] du théâtre politique de Piscator et « veut mettre le théâtre à l’heure du journal, ce dernier pouvant arracher le premier à l’engluement psychologiste et le projeter sur la scène de l’Histoire en train de se faire »[49]. Pour le spectacle Ça travaille ça travaille mais ça ferme sa gueule (1ère édition du FTPTI), la troupe représente les conditions de vie et de travail des ouvriers immigrés en France comme un legs du système d’exploitation de la période coloniale. Une corrélation est établie entre le présent quotidien du travailleur (l’usine) et le passé (les colonies).
L’objet de la représentation chez Al Assifa est une constante démonstration du lien que la France « entretient avec le passé colonial et la dénonciation du néocolonialisme de la société du début des années 1970 »[50]. La fable s’établit dans un va-et-vient entre une Algérie tout juste indépendante et la France. À l’instar de Kateb Yacine, qui en 1972 avec Mohamed, prends ta valise, utilisait les personnages de « Pompez-tout » et « Pompez-doux » (respectivement grand patron français et algérien), la troupe Al Assifa réitère la dialectique oppresseur/opprimé :
- « - MF[51] : Ecoutez, vous êtes sûr vraiment qu’ils ferment leur … bouche ?
- - MA[52] : Là, mon cher ministre, ceux que je vais vous proposer, on les a classés, triés, sélectionnés. Il ne reste que l’emballage à faire.
- - MF : Ah ! Bon, non parce que je me permets de vous poser cette question parce que les années précédentes, mes prédécesseurs ont eu beaucoup d’ennuis avec certains de vos ressortissants : grève de la faim, grève d’usine, grève-bouchon à Renault, par exemple ; et nous nous voyons contraints certaines fois de vous les rendre sous des formes qui ne sont pas toujours des plus agréables. Je pense à Avignon dernièrement : 15 expulsés. [...]
- - MF : Nous sommes dans une période très difficile, le chômage, etc. Enfin, 200 officiels. Pour les clandestins, nous procédons comme d’habitude. Bien ?
- - MA : Comme d’habitude, mon cher ministre.
- - MF : Entendu, mon cher collègue.
- - MA : Les affaires, c’est les affaires[53]. »
Le personnage du ministre français, opprimant l’immigré, est ici représenté en compagnie de son frère jumeau dans la pratique, le ministre africain[54]. Les deux personnages ont sur scène, face à l’immigré/émigré, le même langage et le même discours. Les événements ne sont pas appréhendés dans leur singularité mais vus comme des conséquences logiques du système d’oppression du passé.
Avec le théâtre de l’immigration, explique Olivier Neveux, « l’Histoire trouve ses répercussions dans la synthèse des histoires particulières (indispensables à l’établissement d’une fable, d’une fiction, d’une représentation), pour s’incarner dans un internationalisme trans-historique. [...] C’est la profonde continuité des révoltes, leurs profondes invariances qui trament la pièce[55]». La représentation de l’exploitation économique d’aujourd’hui dans le pays d’exil prolonge l’exploitation coloniale du passé. Ces scènes permettent de réveiller la mémoire collective de l’immigration, elles sont un facteur d’unité : « un langage au-dessus des langages[56]».
Les créations présentées aux différentes éditions du FTPTI, sont représentatives des grandes interrogations d’une époque donnée. Par le recentrage des événements narrés et des situations jouées au sein d’un processus historique déterminé, les troupes témoignent de leur temps tout en définissant l’immigration dans une perspective historique plus large. Les spectacles embrassent tous les temps et sont envisagés « dans l’épaisseur et la continuité des événements[57]». L’immigré sur scène est « celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps[58]»; il contemple ses propres traces et saisit les parts d’ombre du passé.
La troupe La Kahina, fondée en 1976 par des femmes d’origine algérienne d’Aubervilliers, traite principalement du rôle des femmes dans l’aventure de l’immigration et des problèmes, notamment culturels et identitaires, rencontrés déjà par la « seconde génération » d’immigrés en France. Au FTPTI de 1978, la troupe présente sa première création[59] Pour que les larmes de nos mères deviennent une légende. L’objectif y est de traiter de la condition contemporaine de la femme arabe : les traditions prénuptiales, le rôle de l’argent dans le mariage, la toute-puissance de l’homme, la position marginale de la femme arabe en général. Les jeunes filles qui composent essentiellement[60] la troupe vivent ou observent ces problèmes au quotidien et s’en font les relais. Parallèlement, la troupe utilise la scène comme un moyen de faire ressurgir des événements du passé, en particulier le rôle des femmes dans la guerre d’indépendance de l’Algérie :
- « - Déshabillées, frappées, insultées, humiliées, violées par des tortionnaires sadiques.
- - Elles aussi ont subi l’électricité,
- - Elles aussi ont donné leurs vies.
- - Qu’en reste-il sinon des noms sur des trottoirs,
- - Sur des trottoirs et des boulevards,
- - Et toutes les autres ?
- - Que devenez-vous[61] ? »
Dans cet extrait de Pour que les larmes de nos mères deviennent une légende, la scène se passe en Algérie, pendant la guerre d’Indépendance. Un adjudant de l’armée française et une femme y sont représentés : sous son habit traditionnel, cette dernière est habillée en militaire et cache une arme de gros calibre. Cette scène est une référence aux femmes qui prirent le rôle de combattantes et de militantes aux côtés des hommes dans la guerre de Libération nationale et est l’occasion pour les membres de la troupe d’interroger ce qu’il reste de cette lutte et de ces combats dans la société des années 1970.
L’histoire de l’immigration se dessine à l’intérieur de l’espace scénique qui devient l’espace du surgissement des mémoires parallèles et clandestines : il s’agit ici de sonder une douleur et un passé hérités par les enfants, voire les petits-enfants des victimes. La figure de la victime s’affirme dans un récit-témoignage qui célèbre la lutte d’un peuple opprimé et le combat des pères et des mères. Nous sommes face à une mise en scène de la filiation qui permet de lutter contre l’oubli et le silence. Se reconnaitre comme enraciné dans une lignée, comme héritier d’une histoire, est un préalable nécessaire à la légitimation d’une mémoire longtemps niée.
Conclusion
La colonisation et ses conséquences incarnent des moments centraux de l’engouement mémoriel contemporain : leurs écritures n’ont pas pu, encore aujourd’hui, trouver une expression apaisée et dépassionnée. Dans les créations des troupes de théâtre immigrées présentes aux différentes éditions du FTPTI, le télescopage permanent entre des situations quotidiennes contemporaines et des événements douloureux du passé, plus ou moins éloignés dans le temps, permet de penser le présent : « C’est le préalable de la reconnaissance : se reconnaître soi-même comme enraciné dans une lignée, comme héritier putatif d’une expérience de l’histoire dominée [62]. »
Au Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés, le recours aux événements troubles du passé obéit moins à une logique de réparation qu’à une logique de compréhension et de légitimation. Le festival permet aux troupes de se fédérer autour d’un discours et d’une esthétique communs. L’immigration y dessine la fresque qui la représente et se construit en héros de sa propre expérience. Les troupes parviennent à inventer, à partir d’éléments de la culture traditionnelle, une nouvelle expression théâtrale adaptée aux conditions mêmes de l’immigration. Si le recours aux cultures traditionnelles et aux événements du passé permet un retour incontestable aux sources de la mémoire, leur réutilisation par les troupes immigrées dans les années 1970 leur donne une fonction nouvelle et circonstancielle. La scène matérialise le rapport à l’origine tout en adressant aux spectateurs une parole sur le présent.
Dans cet « entre-monde » que sont à la fois le phénomène d’immigration et les lieux de l’art naissent un langage et une esthétique centrés autour de la lutte contre les nouveaux rapports de force établis après la décolonisation et de la construction d’une identité immigrée. Pourtant, pour reprendre les propos d’Edward Saïd, si l’un des plus grand fait de ces dernières décennies est « la vaste migration humaine qui a accompagné la guerre, la colonisation et la décolonisation »[63], l’espace créatif et le renouvellement des formes esthétiques qui en résultent « sont une expérience qui n’a pas encore trouvé ses chroniqueurs […] »[64]. Le théâtre immigré des années 1970 continue aujourd’hui encore de pâtir d’un manque de théorisation et d’un manque d’intérêt dans le domaine des études théâtrales. Le caractère éphémère de ce mouvement (à peine quelques années), et amateur (seule la troupe Nedjma est semi-professionnelle à cette époque) a contribué à faire retomber ses acteurs dans l’anonymat qu’ils n’avaient peut-être jamais quitté. Au contraire de Kateb Yacine, le théâtre immigré n’a pas eu la possibilité de mêler structure traditionnelle de diffusion et réseau militant, « pour la simple raison qu’il est né en dehors de ces structures »[65]. Il se situe ainsi en marge de la scène théâtrale traditionnelle, en marge des réseaux d’éducation populaire et même en marge de certains mouvements militants ouvriers[66], ce qui entraine un difficile passage à la postérité et un douloureux déficit de mémoire qu’il convient aujourd’hui de combler.
Footnotes
- Cet ouvrage a été publié en France en 1980 : Said E., L’orientalisme, L’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980.
- Said E., Culture et impérialisme, Paris, Fayard/Le Monde Diplomatique, 2000, p.44.
- Ibid., p.51.
- Said E., op.cit. p.49.
- M’Boup M., L’Action théâtrale des travailleurs immigrés, Thèse de IIIème cycle, Université de Paris VIII, 1981, p.8.
- Simon J. dir., L’Immigration algérienne en France, De 1962 à nos jours, Paris, L’Harmattan, 2002, p.151.
- Nous pouvons par exemple noter l’existence de deux thèses de doctorat : celle de Frédéric Maatouk intitulée Le Théâtre des travailleurs immigrés en France (soutenue en 1979) et celle de Mamadou Mustapha M’Boup intitulée L’Action théâtrale des travailleurs immigrés (soutenue en 1981). L’ouvrage de Manuel Vaz, Expressions culturelles immigrées (1er Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés de Suresnes, Juin 1975), se propose d’étudier cet événement qu’est la première édition du Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés (FTPTI). Ce sera également le cas de Georges Banu, avec son article « Un festival pas comme les autres, Suresnes 1975 », dans la revue Travail théâtral, qui sera l’un des seuls chercheurs en études théâtrales à saisir toute l’importance de cet événement et des questionnements politiques et artistiques suscités par l’immigration en France dans les années 1970. Il convient également de souligner l’importance des travaux d’Olivier Neveux, d’Angéline Escafré-Dublet et d’Alec G. Hargreaves. Pour les références, se reporter à la bibliographie en fin d’article.
- Escafré-Dublet A., « Les Cultures immigrées sont-elles solubles dans les cultures populaires ? », Mouvement, n°57, 2009, p.89.
- Maatouk F., op.cit., p.36.
- Champy R. et Katz S., Théâtre et immigration, Recherche prospective, Novembre 2008, p.52. Disponible en ligne. Document consulté le 1er avril 2009 : http://daja94.free.fr/index.php?option=com_remository&Itemid=58&func=fileinfo&id=10
- Sayad A., L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, La « faute » de l’absence, Paris-Bruxelles, De Boeck Université, 1997.
- Corsani A., Degoutin C., Matheron F., et al., « Narrations postcoloniales », Multitudes, n°29, Février 2007, p.17.
- Ibid., p.16.
- La CIMADE est une association (service œcuménique d’entraide) créée en 1939. Dans les années 1970, elle joue un rôle actif dans l’accueil et l’insertion des immigrés et des réfugiés.
- La MTI a été créée en 1973 à l’initiative de la CIMADE. L’animation de la MTI est assurée conjointement par la CIMADE et les principales associations des travailleurs immigrés de la région. Périodiquement, elle organise des séances de cinéma et de théâtre ainsi que des débats sur la situation socio-politique dans les pays d’origine des travailleurs.
- Pour des raisons purement pratiques, il nous est impossible de dresser une liste complète de l’ensemble des troupes, toutes nationalités confondues. Pour obtenir la liste des troupes présentes lors des différentes éditions du festival, se reporter à l’ouvrage de Manuel Vaz : Vaz M., Expressions culturelles immigrées (1er Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés de Suresnes, Juin 1975), Lisbonne, Coopérative de travailleurs graphiques, 1985.
- Vaz M., op.cit., p. 62.
- En 1976, cinq animateurs socioculturels de la région parisienne (Ahmed, Belkacem, Jean-Claude, Danielle et Nicole) créent Zaït et Baït. Seuls leurs prénoms sont connus. Il n’y aura qu’un seul spectacle créé : On y va Zaït ?
- Ruisselet J., « Zaït et Baït, témoins de l’absurde », Autrement, n°11, Novembre 1977, p. 134.
- Les troupes utilisent ce terme pour parler des créations car les personnages sont placés le plus souvent dans des positions burlesques ou parodiques.
- À Paris, Moussa Lebkiri, acteur et écrivain issu de l’immigration kabyle fonde la troupe Nedjma avec Annie Rousset en 1976. Plusieurs autres comédiens comme Hamid Amzal rejoignent régulièrement la troupe mais de manière occasionnelle. Leur ambition est de créer un théâtre populaire, accessible à tous, traitant de l’immigration algérienne sous l’angle du burlesque. Jusqu’à sa dissolution, la troupe créera trois spectacles : Barka ou la vie Barisienne en 1976, Le cirque d’Amar en 1978 et Amachaou ou il était une fois mon bled en 1978.
- Maatouk F., op.cit., p. 104.
- La troupe d’agitation-propagande Al Assifa est fondée en 1973 à l’initiative de plusieurs travailleurs immigrés d’origine algérienne (notamment issus du MTA) et est rejointe à l’issue d’une représentation par quelques militants et quelques professionnels de théâtre (dont Philippe Tancelin et Geneviève Clancy). En 1974, la troupe crée Ça travaille ça travaille mais ça ferme sa gueule puis en 1975, La vie de château, pourvu que ça dure : les deux spectacles dépeignent les mécanismes de l’immigration ouvrière et la réalité des travailleurs immigrés en France. En 1976, la troupe monte Ali au pays des merveilles. La même année, Al Assifa décide de créer différents groupes au sein même de la troupe : le premier, « Le bendir déchiré », composé des membres de la communauté arabe de la troupe Al Assifa, monte le spectacle Couscous au poulet. En parallèle, « L’accordéon crevé », composé de la communauté française de la troupe, monte Le labyrinthe. Chaque groupe doit créer un spectacle conformément aux expressions de sa communauté d’origine. L’objectif final est de faire se confronter les deux spectacles.
- Voir l’ouvrage de Manuel Vaz : Vaz M., Expressions culturelles immigrées (1er Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés de Suresnes, Juin 1975), Lisbonne, Coopérative de travailleurs graphiques, 1985.
- La retranscription de cette charte se trouve dans l’ouvrage de Manuel Vaz.
- Discours prononcé au nom des organisations de travailleurs immigrés du comité de coordination du Festival de Théâtre Populaire des Travailleurs Immigrés, in Vaz M., op.cit, p. 101.
- Vaz M., op. cit., p. 68.
- M’Boup M., op. cit., p. 104.
- Banu G., op.cit., p. 99.
- Bien que l’arabe littéral soit la langue officielle de l’Algérie, l’arabe algérien reste celle la plus utilisée par la population dans la vie courante. Le berbère est également reconnu langue officielle depuis 2002.
- Le Berbère est un ensemble de dialectes représentant la quasi-totalité des dialectes régionaux ou locaux en Algérie.
- Il convient cependant de préciser que l’évolution de la langue en Algérie est en partie liée à l’histoire de la colonisation et aux nombreux emprunts linguistiques qui en résultent. L’arabe algérien est reconnu langue officielle et nationale après l’Indépendance dans le cadre d’une politique d’arabisation de l’État et donc de l’affirmation d’une identité arabe mais reste largement pénétrée de termes français plus ou moins adaptés.
- Banu G., op. cit., p. 99.
- Les premières traces de ce personnage (dont on ignore s’il a vraiment existé) remonteraient au xe siècle, pendant lequel il devient le héros central d’anecdotes, recueillies dans un ouvrage anonyme : le Kitâb nawâdir Djuha. On le retrouve aujourd’hui dans plusieurs pays avec différentes orthographes : Djeha, Djoha, Djouha, J’ha, etc.
- Kateb Y., « Mohamed, prends ta valise », in Kateb Yacine, Boucherie de l’espérance, Œuvres théâtrales, Paris, Le Seuil, 1999, p.216.
- Cité dans : « La troupe algérienne Nedjma au Titoit », article sans référence. Document téléchargé le 18 novembre 2009 : http://associationnedjma.free.fr/Articles_presses/Presse_barka/barka_au_titoit_titus.jpg
- M’Boup M. op. cit, p. 106.
- Smouts M-C. dir., La Situation postcoloniale, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2007, p.32.
- Corsani A., Degoutin C., Matheron F., et al., op. cit., p. 16.
- Corsani A., Degoutin C., Matheron F., et al., op. cit., p. 16.
- Ashcraft B., Griffiths G. et Tiffin H., L’Empire vous répond, théorie et pratique des littératures postcoloniales, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2012, p.14.
- Ibid., p.14.
- Ashcraft B., Griffiths G. et Tiffin H., op.cit., p.14.
- Maatouk F., op. cit, p.337.
- Smouts M-C. dir., op.cit., p.32.
- Neveux Olivier., Dramaturgies du théâtre militant (1970-1975), Mémoire de DEA, Biet Christian (dir.), Paris X, 2000, p. 97.
- Le théâtre d’Agitation-propagande (Agit-Prop) est né de la révolution bolchevique de 1917 en URSS. Il s’exporte plus tard en France, aux États-Unis et en Allemagne. En France, cette forme de théâtre politique trouve sa traduction la plus directe avec le Groupe Octobre (1932-1936), dont Jacques Prévert deviendra l’auteur principal. Proche du Parti Communiste Français, la troupe joue de courts spectacles dans les usines en grève, la rue ou les manifestations dans le but de sensibiliser les spectateurs aux situations politiques ou sociales.
- Ses parrains esthétiques semblent nombreux au premier abord : du théâtre politique de Piscator, au théâtre documentaire de Peter Weiss, sans oublier le Théâtre de l’Opprimé d’Augusto Boal. En 1968, quelques années après avoir assisté au second procès d’Auschwitz à Francfort, Peter Weiss publie dans Discours sur le Vietnam, ses Notes sur le théâtre documentaire, dans lesquelles la scène théâtrale devient le réceptacle des événements (catastrophes petites ou grandes) de la réalité. Il fonde son théâtre documentaire dans un rapport polémique avec les médias. Pourtant, si des rapprochements peuvent s’effectuer entre ces deux pratiques et les créations d’Al Assifa, il est peu probable que ses membres aient rencontré les pratiques de Weiss ou de Piscator avant la création de la troupe en 1973. Le Théâtre-journal de Boal, l’une des déclinaisons du Théâtre de l’opprimé a, lui, trouvé un écho important dans la sphère militante française dès 1971, date de l’exil de Boal à Paris. Il est dès lors utilisé par des organismes comme le Comité de Liaison pour l’Alphabétisation et la Promotion des travailleurs immigrés (CLAP).
- Ivernel P., « Pour une esthétique de la résistance », Alternatives Théâtrales, n°67-68, Avril 2001, p. 14.
- Escafré-Dublet A., op. cit., p. 89.
- Pour « Ministre Français ».
- Pour « Ministre Africain ».
- Maatouk F., op. cit, p. 165-166.
- Souvent, le ministre exploiteur n’a pas, à l’exception du ministre français, de spécificité nationale.
- Neveux O., op. cit, p. 91.
- Maatouk F., op. cit, p. 322.
- Ryngeart J-P. et Sermon J., Le Personnage théâtral contemporain : décomposition, recomposition, Montreuil-sous-Bois, Éditions théâtrales, 2006, p. 23.
- Agamben G., Qu’est-ce que le contemporain ?, Paris, Payot et Rivages, 2008, p. 22.
- En huit années d’existence, la troupe La Kahina n’a monté que deux spectacles : Pour que les larmes de nos mères deviennent une légende en 1976 et La Famille Benjelloul, en France depuis 25 ans en 1980.
- Il y a aussi quelques hommes.
- Autissier A-M. et Akika A., Larmes de sang (documentaire), 1979, Couleur, 1h21min, Collection parisienne.
- Boubeker A., « L’Immigration : enjeux d’histoire et de mémoire à l’aube du xxie siècle », Blanchard P. et Veyrat-Masson I. (dir.), Les Guerres de mémoires, La France et son histoire, Enjeux politiques, controverses historiques, stratégies médiatiques, Paris, La Découverte, 2008, p. 173.
- Saïd Edward W., Réflexions sur l’exil et autres essais, Paris, Actes Sud, 2008, p.12.
- Ibid., p.13.
- Maatouk Frédéric, op.cit., p.124.
- Angéline Escafé-Dublet, « Les Cultures immigrées sont t-elles solubles dans les cultures populaires ? », in Mouvement, n°57, 2009, p.95.
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