In cultural, literary and postcolonial studies, hybridity, syncretism, creolization, métissage have become common tropes. (…) if everything is hybrid, what does hybridity mean? Hence the next question to come up is what kind of hybridity? (Nederveen Pieterse, 236)
C’est le propre du lieu commun de perdre sa signification précise à mesure d’être employé. Les questions de Jan Nederveen Pieterse, professeur de sociologie et Global Studies à l’Université de Santa Barbara en Californie, visent à affiner la définition de l’hybridité, qui est théoriquement incontournable, en particulier depuis les travaux de Homi K. Bhabha sur le corpus de la littérature postcoloniale. Ce dernier explique que « this interstitial passage between fixed identifications opens up the possibility of a cultural hybridity that entertains difference without an assumed or imposed hierarchy » (Bhabha, 4). L’hybridité serait un entre-deux dynamique qui permettrait d’envisager la différence hors d’un rapport hiérarchique. Elle caractérise à la fois des conditions sociales, culturelles et identitaires, que ce soit à l’échelle de l’individu ou bien de la nation. L’hybridité peut désigner un mélange de groupes ethniques différents, de nationalités diverses, la réunion de classes sociales disparates, et même celle des genres sexuels. Nombreux sont les chercheurs issus de différents champs d’étude qui s’entendent à reconnaître sa place nodale dans la pensée politique, dans l’histoire des mentalités ou encore dans les réflexions et les pratiques touchant à la modernité culturelle. En art, elle constitue aux XXe et XXIe siècles une catégorie « souvent jugée caractéristique de la modernité, voire de la postmodernité » (Budor et Geerts, 10).
Jan Nederveen Pieterse va plus loin. Si « l’hybridité a toujours été là » (Budor et Geerts, 11), il interprète l’omniprésence de ce concept dans le champ des savoirs comme la marque d’un changement épistémologique : « Hybridity is to culture what deconstruction is to discourse : transcending binary categories (…) Methodologically (…) it represents an epistemological shift outside the boxes of Cartesian epistemology » (Nederveen Pieterse, 238). Si ce dépassement des binarités est souvent dénoncé comme étant partiel, notamment par Gayatri C. Spivak, Jan Nederveen Pieterse précise la dimension diachronique de l’hybridité, en l’étudiant sur « la longue durée » (Nederveen Pieterse, 230). Il s’agit non seulement de considérer la question de la présence de l’hybridité mais aussi celle de sa perception par les récepteurs, qu’ils l’expérimentent artistiquement ou la vivent. De plus, ce changement épistémologique ne précise pas toujours assez clairement une définition de l’hybridité, comme le rappelle Antony Easthope : « Bhabha’s account of hybridity can be understood as an adversarial definition ; that is, it is very clear what hybridity is defined against, what is not hybridic » (Easthope, 342). L’hybridité réclame donc de nouveaux outils d’appréhension et une autre culture de réception afin d’être définie en propre.
Pour cerner quels types d’hybridité la littérature postcoloniale développe, et pour proposer quelques pistes d’analyse, j’étudierai la représentation d’Haïti autour de la figure du roi Christophe dans Le Royaume de ce monde d’Alejo Carpentier et La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire. L’œuvre de Carpentier, parue en 1949 et traduite en français en 1954, était connue de Césaire à la publication de sa pièce en 1963. Les changements apportés après l’épreuve de la scène, en collaboration avec le metteur en scène Jean-Marie Serreau, sont déterminants—, l’action a été resserrée, le prologue et les intermèdes ont été ajoutés. C’est pourquoi je travaillerai principalement sur l’édition remaniée de 1970.
Dans ces œuvres, un même événement est mis en scène : le règne du premier roi noir du Nouveau Monde, Christophe, qui gouverna l’île de 1811 à 1820, juste après que les Haïtiens ont obtenu leur indépendance le 1er janvier 1804. Si les deux textes ne couvrent pas tout à fait la même période—, le roman de Carpentier s’ouvre sur la révolte des esclaves en 1791 et s’achève sur la République des mulâtres, alors que la pièce de Césaire se borne à la vie de Christophe—, nos deux auteurs se concentrent sur cette île dont la réalité hybride est complexe. En effet, la colonisation a mêlé aux Indiens Chemès des Français, des Espagnols, des esclaves venus de toute l’Afrique et des individus déjà nés de l’hybridité ethnique. Au début du XIXe siècle, Haïti présente une société minée par la violence et dont les disparités socio-économiques sont importantes. Si l’indépendance fait officiellement disparaître le système colonial, il reste omniprésent dans les structures politiques et imaginaires. L’hybridité gagne même en complexité, dans la mesure où elle porte la trace d’un passé colonial violent. Certes Carpentier et Césaire ne sont pas originaires de cette île dont le destin est présenté comme étant exemplaire, même s’ils l’ont visitée pendant plusieurs semaines. Mais Haïti préfigure pour Carpentier l’indépendance factice ou du moins dramatiquement inachevée du continent hispano-américain, tandis qu’elle représente les Antilles héroïques et l’Afrique pour Césaire. La similitude est explicitée par Christophe : « Pauvre Afrique ! Je veux dire pauvre Haïti ! C’est la même chose d’ailleurs » (Césaire, 49).
Haïti offre donc en médaillon la possibilité de raconter la décolonisation, d’en montrer les enjeux et de représenter dans sa dynamique une hybridité culturelle s’inscrivant dans la « longue durée ». Les œuvres étudiées développent, pour peindre cette réalité, des écritures hybrides. Cependant, si l’hybridité parvient à signer deux esthétiques bien singulières, ces œuvres montrent aussi, selon mon hypothèse, la difficulté de trouver une éthique pour réguler cette réalité hybride.
Les tensions de l’hybridité haïtienne sous Christophe
Ces œuvres sont majeures pour leurs auteurs car elles inaugurent une partie de leur projet littéraire : Carpentier présente sa conception du « réel merveilleux[1] » dans le prologue du Royaume de ce monde. Césaire poursuit sa tétralogie tragique qui explore la fragilité des idéaux révolutionnaires dans un contexte postcolonial. Et les chiens se taisaient (1956), Une saison au Congo (1966) et Une tempête (19690 suivront La Tragédie du roi Christophe. Si l’hybridité emprunte des procédés d’écriture similaires, chaque auteur l’investit de spécificités à préciser. Il ne s’agira pas d’en isoler les composantes « pures », ce qui insisterait sur le morcellement et présupposerait de reconnaître préalablement des éléments essentiellement homogènes :
L’hybride (…) n’implique pas de destruction préalable et affirme, à partir de la coexistence d’éléments disparates mais compatibles, la force créatrice de la réunion : loin de porter le regret d’un ordre antérieur, il proclame le composite et exalte l’ouverture de l’ordre nouvellement institué. (Budor et Geerts, 13)
Analysons cette « force créatrice de la réunion » en distinguant les hybridités thématique et linguistique qui sont articulées ensemble au cœur de ces fictions qui se déroulent pendant le règne de Christophe.
De prime abord, Carpentier décrit ce souverain comme étant « Destructeur de la Tyrannie, Régénérateur et Bienfaiteur de la Nation haïtienne, Créateur de ses Institutions morales, politiques et guerrières, Premier Monarque couronné du Nouveau Monde » (Carpentier, 1954, 145). Malgré ces titres qui instaurent une franche rupture, cette gouvernance ne supprime nullement le souvenir, ni la logique, ni même la présence du colon blanc. Le roi a choisi de rappeler à son peuple son passé d’esclave afin de modifier l’Histoire : par exemple, il substitue à l’arrachement engendré par le négrier l’enracinement de la citadelle. Toutes ses expériences politiques dont l’intention est d’affronter les stéréotypes pour ensuite les dépasser, constituent une pédagogie bien risquée dont l’action est interprétée et vécue comme un esclavage « aussi abominable » qu’au temps des colons blancs, voire pire, « car il était infiniment douloureux de se voir battu par un nègre, aussi noir que soi-même » (Carpentier, 1954, 120-121). L’hybridité thématique joue alors à deux niveaux : elle apparaît dans le rapport aux vestiges importants laissés par les anciens colonisateurs, mais aussi au sein de « la même famille » que constitue la nation haïtienne. Le sang des taureaux sacrifiés pendant les rites vaudous est mêlé au mortier de la citadelle que Christophe fait bâtir. Cette dernière vise à protéger la nation haïtienne d’un ennemi extérieur, mais sa construction cristallise un conflit interne. Les Noirs finissent par se révolter contre Christophe et la citadelle ne protège rien.
L’hybridité n’est pas seulement une conséquence de la colonisation et de l’esclavage imposés par les Espagnols et les Français, comme le montrent les langues française, espagnole, latine et créole représentées. C’est une dynamique, « an interstitial passage », qui régit bien des pratiques, notamment religieuses. Par exemple, les Pères-Savanes, prêtres noirs sans tonsure, étaient mieux compris de la population haïtienne, malgré qu’ils n’aient pas été ordonnés, « parce que quand ils récitaient le Notre Père ou l’Ave Maria, ils savaient donner au texte des accents et des inflexions semblables à ceux d’autres hymnes de tous connus » (Carpentier, 1954, 102). Leurs voix sont marquées par la musicalité vaudoue, alors qu’ils transmettent la foi et les sacrements catholiques. Les voix sont des passeuses entre ces deux rites et les Pères-Savanes transforment la religion catholique en une pratique transculturelle[2]. Non loin de réaliser un syncrétisme entre le catholicisme et le vaudou, ils rassemblent des identités religieuses plurielles, ce que Christophe interdit en faisant du catholicisme la religion d’État.
Ces hybridités sociales et identitaires ne sont pas reconnues à l’unanimité par les personnages du texte. Ignorer l’hybridité, la valoriser ou la museler relève d’enjeux politiques et d’une question de pouvoir, comme le montrent les différents points de vue qui coexistent dans Le Royaume de ce monde. Notamment, la polyphonie[3] souligne que l’hybridité est niée au nom de la pureté des races : les voix des Noirs et des Blancs sont fondamentalement différentes et ne se mêlent pas. Ainsi, la mise à mort de Mackandal par les colons est perçue par les esclaves comme son salut :
Ce soir-là les esclaves s’en retournèrent à leurs habitations en riant tout le long du chemin. Mackandal avait tenu sa promesse, il demeurait dans le royaume de ce monde. Une fois de plus, les Blancs étaient bernés par les Hauts Pouvoirs de l’Autre Rive. Et tandis que M. Lenormand de Mézy, en bonnet de nuit, commentait avec sa dévote épouse l’insensibilité des Noirs devant le supplice d’un des leurs, tirant de là certaines considérations philosophiques sur l’inégalité entre les races humaines, qu’il se proposait en un discours farci de citations latines, Ti Noël faisait des jumeaux à l’une des servantes de la cuisine en l’étreignant par trois fois dans une crèche de l’écurie. (Carpentier, 1954, 52-53)
La polyphonie, conceptualisée par Mikhaïl Bakhtine, émerge dans les discours indirects et indirects libres des deux groupes dont les visions et les réactions sont radicalement opposées.
Des esthétiques hybrides
L’hybridité se manifeste dans toutes sortes de décalages : le mélange des tons, des registres et des niveaux de langue, des représentations ainsi que des plans de réalité décrits. Chez Césaire, cette hybridité se réalise sous la forme du grotesque, fortement inspiré de celui défini par Victor Hugo dans la préface de Cromwell en 1827, où il élaborait sa théorie du drame romantique. Certes, le grotesque est une notion transhistorique, s’exprimant dans des manifestations physiques et verbales marquées par le trivial, le bouffon, le burlesque, le bas. Mais la définition hugolienne est surtout relationnelle : le grotesque n’a de signification que dans son lien oppositionnel et complémentaire avec le sublime. C’est en ce sens que La Tragédie du roi Christophe développe ce dernier. Le ton est d’emblée spécifié par une didascalie : « Tout ce premier acte est en style bouffon et parodique, où le sérieux et le tragique se font brusquement jour par déchirures d’éclair » (Césaire, 18). Cette dialectique du jeu des acteurs, ainsi que les dialogues entre le roi Christophe et son bouffon, Hugonin, créent des effets de rupture, de « commotion » révélant le lien intrinsèque entre le grotesque et le tragique. Puisqu’elles étonnent les personnages, les lecteurs et les spectateurs, ces ruptures participent de la prise de conscience des enjeux de la résistance face à l’absurde de la dictature.
Conformément à la théorie du « réel merveilleux » présentée dans le prologue du Royaume de ce monde, le « sérieux » et le « tragique » y font jour grâce à plusieurs modifications de la réalité. S’opposant à l’hybridité créée de façon artificielle par les Surréalistes européens, Carpentier affirme l’hybridité naturelle propre au continent américain :
le merveilleux devient sans équivoque quand il surgit d’une altération inattendue de la réalité [le miracle], d’une révélation privilégiée de la réalité, d’un éclairage inhabituel ou singulièrement favorisé des richesses insoupçonnées de la réalité, d’une amplification des catégories de la réalité, perçues de manière particulièrement intense en vertu d’une exaltation de l’esprit qui le conduit à une sorte d’ « état-limite »[4]. (Carpentier, 1983,15)
Ainsi, dès le premier chapitre intitulé « Les têtes de cire », la proximité de la vitrine d’un coiffeur et de l’étalage d’une triperie altère la réalité pour Ti Noël, esclave attendant que son maître se fasse raser. Cette configuration lui offre la vision d’un repas anthropophage. Cet « abominable festin » est cruel car il incarne la tension violente extrême entre les esclaves et leurs maîtres. Elle est précisée dans le contact de Ti Noël avec le « crâne blanc », selon ce principe de l’amplification des catégories de la réalité :
Seule une cloison en bois séparait les deux étalages et Ti Noël s’amusait à penser qu’à côté des têtes incolores des veaux on servait des têtes de maîtres blancs sur la nappe de la même table. (…) [L]a figure [de M. Lenormand de Mézy] ressemblait à s’y méprendre, maintenant, aux quatre visages de cire terne qui s’alignaient sur l’étagère avec leur sourire stupide. Au passage, M. Lenormand de Mézy acheta une tête de veau à la triperie et la donna à l’esclave. Monté sur l’étalon impatient de paître, Ti Noël palpait ce crâne blanc et froid en pensant qu’il devait offrir au toucher un contour pareil à la calvitie que le maître dissimulait sous sa perruque (Carpentier, 1954, 13-17)
L’hybridité esthétique s’exprime chez Carpentier dans son écriture baroque, qui ne gomme pas le mélange. Ti Noël décrit les charmes de l’église espagnole de Santiago de Cuba comme « semblables à ceux qui se dégageaient des autels des houmforts consacrés à Damballah, le dieu Serpent » (Carpentier, 1954, 84). Carpentier façonne un creuset transculturel, affirmant l’unité de ces deux lieux rituels, voire de ces deux cultes, puisque « saint Jacques est Ogoun Faï, le maréchal des tempêtes » (Carpentier, 1954, 84).
La pratique de l’hybridation des arts est maximale dans ces œuvres. Carpentier travaille la plasticité du roman et s’inscrit dans la tradition du roman moderne, ce dernier étant « un des rares moyens d’expression qui fasse abstraction d’une quelconque discipline formelle » (Carpentier, 2003, 246). Ainsi, la création du spectaculaire nécessite une distance et un point de focalisation précis, tous deux offerts par le cadre théâtral. La dynamique dramatique est un procédé d’écriture, qui libère l’écriture romanesque déjà indisciplinée. Les histoires individuelle et collective sont dramatisées. Pauline Bonaparte, sœur de Napoléon et épouse du général Leclerc envoyé à Haïti pour y étouffer l’indépendance, admire par exemple la traversée de l’Atlantique par le biais de souvenirs inexacts des « vers les plus royaux deMithridate» (Carpentier, 1954, 88). Son amant, l’acteur Lafont, les lui déclamait fréquemment. L’intertexte racinien éclaire son appréhension de cette réalité exotique, Pauline ne se souvenant que des tragédies représentant l’Orient, ses sérails et ses exploits. D’ailleurs, la littérature médiatise vraiment sa découverte de la ville du Cap et de la Plaine du Nord : elle est enchantée parce qu’elle « avait lu les amours de Paul et Virginie » (Carpentier, 1954, 91). Son regard sur Haïti est hybride dans la mesure où il superpose les représentations littéraires et artistiques issues du primitivisme de la fin du XVIIIesiècle à la réalité éprouvée. Ce mode de connaissance biaisé transforme sa manière d’être : Pauline adopte le comportement des vierges pré-romantiques, comme le souligne ironiquement le narrateur. Si elle s’adonne à la tranquillité, c’est par une imitation superficielle des héroïnes dont elle se souvient et peut-être aussi pour singer la torpeur topique des insulaires, mais non par désir de calme et de retrait de la vie mondaine. En témoignent ses aventures extra-conjugales :
Ainsi passait-elle son temps, entre des siestes et des bâillements, se croyant un peu Virginie, un peu Atala, bien que parfois, quand Leclerc était dans le Sud, elle se consolât dans les bras de quelque jeune, ardent et bel officier. (Carpentier, 1954, 93)
Enfin, le théâtre constitue un moyen d’organiser la réalité collective à des fins didactiques : c’est ainsi que les Blancs préparent en grande pompe l’exécution de Mackandal, cette « représentation de gala pour nègres » (Carpentier, 1954, 50). Mais la terreur que le spectacle devrait inspirer n’atteint pas la cible visée : les Noirs restent indifférents à la mise en scène et n’interprètent pas le supplice comme les Blancs le souhaiteraient : le silence terrorisé voulu face à l’exécution est remplacé par « Mackandal sauvé ! » (Carpentier, 1954, 52).
Inversement, les procédés d’écriture traditionnellement romanesques sont convoqués par Césaire. Cette présence rappelle l’épicisation brechtienne. Tout d’abord, l’héritage tragique antique et classique est convoqué par le titre de la pièce, Césaire se jouant de cet horizon d’attente[5]. Les événements présentés, comme le sacre du roi dans la scène 2 et les actes de guerre et de luttes politiques dans les scènes 5 et 6 sont traités comme des scènes de genre. Aussi le lien à l’histoire n’exclut-il pas l’image d’Epinal et le pittoresque naïf[6], ce que confirme surtout l’écriture didascalique :
Le Cap. Place publique –Vue sur la baie. Bateaux à l’horizon. Grouillement de négresses étalant sur le sol légumes, volailles, sucre, sel. Chaudrons recouverts de feuilles de bananiers et cuisant en plein vent. Groupes de citoyens auxquels se mêlent les agents de Christophe, dont Hugonin. (Césaire, 23)
Si l’écriture dramatique présente de nombreux tableaux, c’est pour déployer une dimension spectaculaire laissant une forte impression, grâce à la mention d’un certain gigantisme. En outre, plusieurs décors peuvent être présents de façon simultanée, grâce à la technique cinématographique du « flash-back », qui permet de jouer dans un coin du plateau la scène racontée. La scène 2 de l’Acte II glisse ainsi de la conversation entre deux bourgeoises dans un salon de Cap Henry à l’exécution d’un paysan endormi, aperçu par Christophe depuis sa citadelle. Ce passage du discours à la représentation offre un tableau exemplaire et rend l’exécution plus réelle, quand bien même elle est montrée indirectement. La fiction théâtrale comporte différents plans de réalité qui participent par exemple à l’exploration de l’état psychique du roi, lorsque la didascalie stipule l’apparition du spectre de Corneille Brelle, l’archevêque que Christophe a fait injustement périr. La dramaturgie césairienne travaille à montrer, au-delà des conventions théâtrales traditionnelles. Cette ambition la rapproche de la liberté formelle prise par Carpentier dans le roman.
Enfin la musique est hybride du début à la fin de la pièce : se répondent et s’opposent les instruments, les techniques et les rythmes européens et haïtiens. Dans Le Royaume de ce monde, les mélanges sont fréquents, comme le montre le chapitre « Chronique du 15 août ». Pendant la messe de l’Assomption, Christophe prie les dieux vaudous. Cette situation est très ambiguë puisqu’il s’autorise la pratique rituelle qu’il interdit à son peuple et qu’il la réalise dans le lieu d’un autre culte. Tout le corps de Christophe est transi par les percussions vaudoues sacrées et il finit par devenir le tambour rituel. Le prêtre aux « inflexions de baryton du plus sûr effet » (Carpentier, 1954, 133) est interrompu dans son office par le retour spectral et vocal de Corneille Brelle : « de sa bouche sans lèvres et sans dents, noire comme une chatière, sortait une voix terrifiante qui vibrait dans la nef comme un plein jeu d’orgue, faisant trembler les vitraux dans leurs cadres de plomb » (Carpentier, 1954, 135). Le Dies irae que chante Corneille Brelle s’achève de façon tonitruante par la foudre que Christophe est le seul à entendre tomber. La terreur est décrite par la voix d’outre-tombe et les vibrations cosmiques que transmet ce spectre. Les instruments et les rythmes dénoncent aussi la facticité d’une certaine musique : les effets du supposé baryton sont fallacieux face au « plein jeu d’orgue » auquel ressemble la voix de Corneille Brelle.
La Tragédie du roi Christophe offre un traitement différent du matériau musical, car le verbe lui est préféré. Les « tambours lointains » constituent un personnage à part entière et ils propagent la nouvelle de la mort du roi :
- TAMBOURS LOINTAINS, de colline en colline.
- Le feu s’est éteint dans la maison
- Le grand feu dans la grande maison
- La Roi est mort ! (Césaire, 150)
De plus, l’écriture dramatique est travaillée de façon continue par le chant que Hugonin fredonne tout au long de la pièce, ainsi que par Madame Christophe dont la plainte en créole s’oppose au discours en langue française de son mari. Le Chœur, représentant le peuple comme dans la tragédie antique, chante dans la scène 4 de l’Acte I pour saluer l’avènement du roi Christophe jusqu’à offrir un hymne dansé. Cependant, il s’étiole à mesure que le pouvoir de Christophe se détourne de son but premier. Alors que le roi vient de voir le spectre de Corneille Brelle, « on entend les débris d’un chœur lointain », qui en appelle à la fin de « l’antre affreux » (Césaire, 128), métaphore désignant Christophe et sa monarchie. Ainsi, le chœur reprend par ce dernier chant la tonalité dissonante instaurée dans l’Acte I, tout en concentrant la vox populi qui s’exprime dans le prologue et les deux intermèdes. L’hybridité artistique apparaît dans l’accompagnement chanté qui prolonge et questionne l’écriture dramatique.
Jusqu’où l’hybridité peut-elle s’écrire ?
Si la réalité hybride complexe se laisse saisir dans ces deux esthétiques, ces fictions représentent une hybridité sociale qui ne parvient pas à être stabilisée dans une éthique, une façon de vivre ensemble. Il est en effet difficile d’atteindre cette « difference without an assumed or imposed hierarchy » mentionnée par Bhabha, et « [a] major objection to hybridity is that it sidesteps power differences » (Nederveen Pieterse, 236). L’hybridité culturelle omniprésente en Haïti s’avère bien problématique dans ses formes politiques, notamment parce qu’éluder les différences de pouvoir ne revient pas à les résoudre, ni à les supprimer.
Simplement dit, le roi Christophe exerce le pouvoir de façon très ambiguë. Les paradigmes mobilisés par Christophe pour faire face aux stéréotypes dans lesquels les Noirs ont été enfermés depuis de nombreuses générations sont inadéquats car équivoques. Ainsi, aux esclaves orphelins, déracinés de leur Afrique natale, Christophe veut donner un chef paternel qui se place à la tête de la « famille haïtienne », synonyme de nation. Toutefois, cette monarchie fondée sur le modèle familial annule le respect, la bienveillance et l’amour que se portent les membres de la même famille. En effet, si la mort d’un Noir n’est plus une perte économique comme dans le système colonial, elle n’est même pas remarquée sous ce roi :
la mort d’un nègre ne coûtait rien au trésor public : tant qu’il y aurait des négresses pour faire des enfants–il y en avait, il y en aurait toujours-, il ne manquerait pas de travailleurs pour apporter des briques sur le sommet du Bonnet-de-l’Evêque. (Carpentier, 1954, 121)
Père infanticide s’il en est, qui n’évite pas la mort des siens et au contraire la commande. Dans La Tragédie du roi Christophe, la scène 2 de l’Acte II présente l’exécution d’un paysan endormi d’un coup de canon tiré depuis la Citadelle d’où le roi surveille ses sujets. Le père s’avère posséder tous les droits, au mépris de ses enfants. Ce paradigme repose donc sur une dissymétrie fondamentale.
C’est à travers la conception du travail que la validité du paradigme de la famille-nation est interrogée. Christophe entend réfuter la paresse indolente que l’on attribue de façon stéréotypée aux Noirs. Pour ce faire, il les accule au travail, qu’importe leur âge, leur sexe et leur condition physique. L’ancien esclave Ti Noël, qui a acheté sa liberté à son maître à Santiago de Cuba est contraint par la violence de participer à la construction de la Citadelle : il « s’incorpor[e] à une longue file d’enfants, de filles enceintes, de femmes et de vieillards qui port[e]nt aussi une brique à la main ». De manière significative, c’est en lisant l’orgueilleuse devise de Christophe : « Dieu, ma cause et mon épée » que Ti Noël reçoit un « terrible coup de bâton dans le dos » (Carpentier, 1954, 114). Le geste prolonge les mots mais de façon paradoxale, car la cause nécessite de violenter le peuple qui en constitue l’origine. En outre, le travail a dans les discours de Christophe une valeur rédemptrice : « il faut en demander aux nègres plus qu’aux autres : plus de travail, plus de foi, plus d’enthousiasme […]C’est d’une remontée jamais vue que je parle » (Césaire, 59). La « remontée » signifie que les Noirs ont à quitter un larbinisme séculaire pour se mettre debout et ce terme a bien une acception morale. Les conséquences d’un tel dispositif s’opposent au projet de Christophe, comme le souligne la « Deuxième Dame » : « En somme, le roi Christophe servirait la liberté par les moyens de la servitude ! » (Césaire, 80) ; Christophe sera d’ailleurs enterré debout dans les murs de la citadelle.
Enfin, le paradigme de la famille confère à Christophe la mission d’éduquer les siens, afin que ce peuple de « transplantés » puisse s’enraciner et s’épanouir. La métaphore arboricole est récurrente pour expliquer l’éducation nécessaire, mais elle est également renversée par les critiques de Madame Christophe à son mari :
- je me demande si tu n’es pas plutôt
- à force de tout entreprendre
- de tout régler
- le gros figuier qui prend toute la végétation
- alentour
- et l’étouffe. (Césaire, 60)
En effet, l’instruction est réalisée par la violence ou confiée à des autorités bien problématiques : chez Césaire, le bouffon Hugonin est chargé de la moralité publique et il marie, sous la bénédiction forcée de Corneille Brelle, une assemblée de paysans et de paysannes, selon des critères grivois bien éloignés des préoccupations morales : « Toi, tu me parais taillé en Hercule…Et celle-là me paraît avoir de bons reins…Tonnerre, oui, des reins à lancer en l’air un éléphant. Alors, qu’attends-tu ? Prends-la… » (Césaire, 89-90).
Outre les influences néfastes de la politique royale, la société haïtienne est un véritable champ de force mû par une violence qui s’oppose à la réalité hybride. Dans Le Royaume de ce monde, la révolte des esclaves éclate, alors que M. Lenormand de Mézy a l’intention de violer une des jeunes esclaves venant voler des feuilles de tabac. Sitôt l’appel des buccins lancé, Ti Noël se dirige vers la chambre de sa maîtresse, Mlle Floridor, car il rêve depuis longtemps de la violer. Cette réversibilité des rôles souligne le désir d’asservir l’autre groupe ethnique et de réprimer toute hybridité qui serait vu comme un phénomène positif ou créateur. La pureté d’un groupe est promue et elle pousse à violenter l’autre. La violence s’exprime selon diverses intensités et Pauline Bonaparte en incarne une forme, dans la relation qu’elle nourrit avec son serviteur Soliman :
Quand elle se faisait baigner par lui, Pauline éprouvait un malin plaisir à frôler dans l’eau de la piscine les flancs durs de ce serviteur qu’elle savait éternellement tourmenté par le désir, et qui la regardait toujours de côté, avec une fausse douceur de chien exaspéré par le fouet. Elle avait pris l’habitude de le frapper avec une branche verte, sans lui faire de mal, et elle riait de ses moues de douleur feinte. (Carpentier, 1954, 93)
La sensualité fait violence aux sens et surtout la métaphore canine désignant la réaction de Soliman aux petits coups de fouet est tout à fait signifiante dans ce chapitre intitulé « Le Navire aux chiens ». Le passage présente le chargement d’un bateau à Santiago de Cuba : des chiens sont embarqués pour aller « bouffer des nègres » (Carpentier, 1954, 88). Ainsi, la violence, qu’importe son intensité et ses formes, oppose des résistances à l’hybridité.
Les rôles sont clairement établis entre ceux qui contrôlent l’hybridité et ceux qui la subissent. Et Soliman se trouve bien possédé par son ancienne maîtresse, quand quelques années après, se faisant passer pour un membre de la famille royale de Christophe, il retrouve à Rome le corps de Pauline sculpté dans du marbre blanc :
Soudain, mû par un impérieux souvenir physique, Soliman se mit à faire les gestes du masseur, suivant la ligne des muscles, le relief des tendons, frottant le dos de bas en haut, tâtant les pectoraux avec le pouce, percutant le corps çà et là. Mais tout à coup il sentit la froideur du marbre couler dans ses poignets, les enserrant dans de mortelles tenailles. Un cri s’étrangla dans sa gorge et il resta figé. (…) Il lui semblait qu’il était tombé en transe sur le plâtre d’une tombe, comme il arrivait là-bas à certains inspirés, redoutés et révérés à la fois par les paysans, parce qu’ils s’entendaient mieux que quiconque avec les Maîtres de Cimetières. (Carpentier, 1954, 164-165)
Soliman se retrouve aliéné par son rapport corporel à son ancienne maîtresse : il demeure son esclave. Ainsi, ses « gestes » s’apparentent au gestus brechtien : ils constituent des mouvements le renvoyant à son esclavage passé puisqu’ils sont empreints de désirs. L’identité hybride de Soliman reste aliénée au souvenir sensuel de son ancienne maîtresse, au point de mourir en rencontrant son cadavre de marbre. En somme, l’hybridité recèle bien des enjeux de pouvoir, qui, paradoxalement, la menacent tout en la renforçant.
Pour une éthique de l’hybridité
L’impossibilité de stabiliser l’hybridité culturelle dans une certaine éthique tient enfin aux perspectives que Carpentier et Césaire adoptent sur l’histoire. Dans La Tragédie du roi Christophe, le règne de Christophe est marqué au coin de la fatalité tragique, puisque le suicide de Christophe vient résoudre ses contradictions et signer l’échec de ses projets. Ce pessimisme historique se double d’une estime envers Christophe et envers l’idéal de grandeur qu’il a rêvé pour sa nation. Si les décors gigantesques dans lesquels évolue Christophe montrent l’ambition et la cruauté[7] de certaines de ses actions, c’est pour faire adopter une « attitude critique » (Brecht, 33)—souvent initiée par Hugonin, et susceptible de se mouvoir en action. La distanciation théorisée par Brecht et qui se trouve aux frontières du politique et de l’esthétique, participe à la prise de conscience des spectateurs. À sa création, ils perçoivent dans la tragédie historique d’Haïti une dénonciation de la dictature sanguinaire de la famille Duvalier depuis 1957 en Haïti et de la décolonisation problématique de l’Afrique à la même période. L’histoire tragique est porteuse de leçons et riche d’échos avec l’actualité.
Toutefois, Maximilien Laroche souligne à quel point Césaire effectue un coup de force dans cette tragédie. L’histoire d’Haïti n’accepterait pas l’hypothèse tragique émise par Césaire, car la conception d’une mort-échec qui est propre au tragique grec est tout à fait absente du vaudou, dans lequel la mort est une vie métamorphosée. D’ailleurs, l’emblème du roi Christophe était le phénix et sa devise : « Je renais de mes cendres », éléments qu’aucune de nos œuvres n’a retenus. Aussi la lecture tragique de l’histoire du roi Christophe impose-t-elle un sens tragique. Christophe cristallise les enjeux de l’hybridité, mais le personnage tragique à valeur exemplaire ne les rassemble pas aux mêmes fins que le personnage historique.
Le roman de Carpentier n’est pas construit comme une tragédie, dans le sens où il ne s’achève pas sur la mort du roi. Mais la structure du Royaume de ce monde montre le caractère cyclique de l’histoire d’Haïti, dans laquelle la recolonisation succède à la décolonisation, ce que souligne le passage de l’esclavage aux arpenteurs de la République des mulâtres. Ti Noël propose cependant un royaume parodié et sublimé. Son foyer sur les ruines de la demeure de son ancien maître se compose de quelques accessoires pillés au palais royal. Ce logis lui permet de vivre harmonieusement avec les éléments naturels et les paysans qui l’entourent. Il accueille l’hybridité dans la paix, présidant « la fête, assis entre un Père-Savane, représentant de l’Eglise marronne, et un ancien combattant, de ceux qui avaient battu Rochambeau à Vertières » (Carpentier, 1954, 171). Au fil de ses métamorphoses, il essuie toutefois un échec dans le groupe des oies. Cette faillite signe de façon radicale l’impossibilité d’établir une communauté en se fondant sur l’hybridité :
On lui avait fait clairement comprendre qu’il ne lui suffisait pas d’être oie pour croire que toutes les oies étaient égales. Aucune oie connue n’avait chanté ni dansé le jour de ses noces. Nulle, parmi les vivantes, ne l’avait vu naître. Il se présentait sans le moindre dossier de pureté du sang, devant quatre générations palmées. En somme, c’était un métèque. (Carpentier, 1954, 182)
L’hybridité se heurte encore une fois à l’écueil de la « pureté du sang » et empêche toute reconnaissance dans une nation, puisqu’elle engendre seulement des « métèque[s] », des apatrides. Ce dénouement témoigne aussi d’un pessimisme, mais en livrant les conclusions de Ti Noël métamorphosé, le narrateur renvoie cette question hors du Royaume de ce monde, de cet espace partagé.
Infidélité à la réalité hybride haïtienne et à sa culture artistique, liberté créatrice ou bien conséquence d’une réception critique littéraire incapable de percevoir l’hybridité dans toute sa complexité ? Alors que le concept de l’hybridité permet de comprendre les deux esthétiques complexes de Carpentier et de Césaire, aucune éthique autour de cette réalité n’est définitivement discernable dans nos fictions. L’hybride concentre des enjeux de pouvoir et ce paradigme, si incontournable soit-il, reste encore fermement corrélé à la pureté, sorte d’archi-paradigme réapparaissant comme une lame de fond. Si la « pureté » constitue une mesure-étalon, une référence pour spécifier l’hybridité sur les plans thématique, esthétique, générique et artistique, Le Royaume de ce monde et La Tragédie du roi Christophe proposent quand même deux formes littéraires distinctes. Elles offrent un espace dans lequel l’hybridité occupe une place prépondérante et s’approfondit vertigineusement dans ses implications politiques.
Footnotes
- Les réflexions de Carpentier sur le « réel merveilleux » s’étendent sur vingt-cinq ans. Le prologue du Royaume de ce monde (1949) est repris et étoffé dans un essai intitulé « Du réel merveilleux américain » (1964). Il est développé dans une conférence donnée à Caracas en mai 1975, sous le titre : « Le baroque et le réel merveilleux ». Voir Charles W. Scheel, Réalisme magique et réalisme merveilleux : des théories aux poétiques, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 43-65.
- Cette notion est empruntée à l’anthropologue et ethnologue cubain Fernando Ortiz Fernandez.
- Voir BAKHTINE, Mikhaïl, La Poétique de Dostoïevski, traduit du russe par Isabelle Kolitcheff, Paris, Seuil, 1998. La première édition est parue en 1929 et s’intitulait Problèmes de la poétique de Dostoïevski. Précisons que Bhabha a développé sa notion d’hybridité à partir de son emploi chez Bakhtine dans le cadre de cette théorisation. Les textes polyphoniques sont hybrides.
- Cette traduction de l’espagnol est de Charles W. Scheel, in Op. cit. , p. 45. Les éditions françaises du Royaume de ce monde n’incluent pas le prologue.
- Le premier acte de La Tragédie du roi Christophe couvre une décennie, en allant du refus de la Présidence en 1806 jusqu’à l’anniversaire du couronnement en 1815 et présente neuf lieux différents, ce qui situe cette tragédie aux antipodes des unités de lieu et de temps théorisées par Aristote.
- Rappelons que La Tragédie du roi Christophe semble s’adresser à un public peu au courant de la réalité de l’esclavage, comme le sous-entend le Présentateur-Commentateur dans le prologue. Il explicite les informations en les traduisant pour l’assemblée de spectateurs.
- Mentionnons que la représentation du roi Christophe dans la pièce de Césaire relève de certaines configurations mises au jour par Sylvie Chalaye dans Du Noir au nègre : l’image du Noir au théâtre (1550-1960), Paris, L’Harmattan, 1998. La Tragédie du roi Christophe n’y est pas étudiée car elle est postérieure aux bornes fixées. Cet ouvrage diachronique aide nettement à situer la pièce de Césaire par rapport à cette histoire de représentations.
Works Cited
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BAKHTINE, Mikhaïl, La Poétique de Dostoïevski, traduit du russe par Isabelle Kolitcheff, préfacé par Julia Kristeva, Paris, Seuil, 1998.
BHABHA Homi, The Location of Culture, London and New York, Routledge, 1994.
BRECHT, Bertolt Petit organon pour le théâtre, suivi de Additifs au Petit organon, Paris, L’Arche, 1963.
BUDOR, Dominique et GEERTS, Walter, Le Texte hybride, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2004.
CARPENTIER, Alejo, Le Royaume de ce monde, Traduction de René L.-F. Durand, Paris, Gallimard, 1954.
CARPENTIER, Alejo, Obras completas de Alejo Carpentier, Mexico, Siglo Veintiuno Ediciones, 1983, v. II.
CARPENTIER, Alejo, « Roman et musique », « Comment les Noirs devinrent créoles : la trace de l’Afrique sur tout un continent », Essais littéraires, Traduit de l’espagnol par Serge Mestre, Paris, Gallimard, 2003.
CESAIRE, Aimé, La Tragédie du roi Christophe, Paris, Présence Africaine, 1970.
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LAROCHE, Maximilien, « La Tragédie du roi Christophe du point de vue de l’histoire », Études littéraires, vol. 6, n° 1, 1973, p. 35-47.
NEDERVEEN PIETERSE, Jan, « Hybridity, so what ? The Anti-hybridity backlash and the riddles of recognition”, Theory, culture and society, vol. 18, n°23, 2001.