Abstract
Dans le présent article, nous analyserons le voyage en tant que lieu de confrontation d’un imaginaire fictionnel et celui de l’expérience réelle. L’acte de voyager a rendu possible le dessin d’une nouvelle cartographie par la chercheuse, imposant un repositionnement de celle-ci dans le monde. Le récit de voyage est vu en tant que témoignage d’expérience et constructeur d’un imaginaire de la terre inconnue. Tout comme les récits des voyageurs, les témoignages des artistes qui se sont confrontés aux cultures diverses sont les sources préférées du milieu théâtral et sont bâtisseurs d’imaginaires. Tous les artistes analysés se sont confrontés à l’apprentissage d’une danse balinaise lors d’un ou plusieurs voyages à Bali. Outre l’expérience de la chercheuse, nous avons analysé les témoignages des artistes suivants : Roberta Carreri de l’Odin Teatret / Denmark; Ana Teixeira, de l’Amok Teatro / Brésil et Felisberto Sabino, professeur à l’Université de SãoPaulo/ Brésil.
Neste artigo, a viagem será analisada enquanto um possível lugar de confrontação entre um imaginário ficcional e a experiência real. A viagem possibilitou o redesenhar de uma nova cartografia pessoal da pesquisadora, impondo o seu reposicionamento no mundo. A narrativa de viagem é vista como o testemunho de uma experiência e como construtor de um imaginário da terra desconhecida. Tais quais as narrativas dos viajantes, os depoimentos dos artistas que se confrontaram com culturas diversas são fontes preferenciais no meio teatral e constroem imaginários. Todos os artistas analisados se confrontaram com o aprendizado de uma dança balinesa durante uma ou várias viagens à Bali. Foram analisados os depoimentos dos seguintes artistas: Roberta Carreri do Odin Teatret / Dinamarca; Ana Teixeira, do Amok Teatro / Brasil e Felisberto Sabino, professor na Universidade de São Paulo/ Brasil.
Le rêve de Bali et le rôle des artistes voyageurs
Confrontés au questionnement sur leur expérience à Bali, une des îles les plus connues de l’archipel indonésien, plusieurs artistes brésiliens et européens ont exprimé avoir vécu un sentiment bouleversant à un moment de leur voyage. Nous avons observé que ce moment de bouleversement résulte d’un choc entre une image ou une idée préalablement établies sur l’île et la réalité rencontrée lors du voyage concret. Dans le but d’examiner ce bouleversement causé par le voyage et l’environnement balinais, ainsi que le repositionnement cartographique opéré par la chercheuse[1] même, nous proposons la réflexion de cet article. Elle fait partie de nos recherches doctorales liées aux enjeux interculturels autour du topeng balinais. Le noyau de cette recherche est la rencontre d’un certain nombre d’artistes brésiliens et européens praticiens de théâtre avec une forme spectaculaire balinaise, le topeng. Ces rencontres ont apporté des problématiques plurielles, car ces artistes vont percevoir cette forme étrangère à eux, le topeng, selon leurs propres histoires et cartographies personnelles.
Le topeng[2] est une forme de spectacle balinais[3] masquée. Selon l’occasion et le lieu de représentation, le topeng peut avoir des dimensions rituelles (wali) ou de pur divertissement (bali-balihan). Les variantes dédiées au divertissement sont le topeng panca (cinq), joué par plusieurs acteurs, et le topeng prembom (mélange) qui amalgame le topeng et d’autres formes théâtrales. Le topeng wali cérémonial était traditionnellement joué par un seul acteur. Il est nommé topeng pajegan, aussi appelé topeng sidhakarya ou topeng wali.
Le topeng est à la frontière entre le rite religieux et la forme spectaculaire narrative. À travers une succession de masques, l’acteur-danseur, ou les acteurs-danseurs, mettent en scène les histoires de leurs aïeux, en créant par là un lien avec la société contemporaine balinaise. La visitation mythique des ancêtres a lieu en dialogue avec le présent. Au moyen de ses personnages comiques, le topeng est lieu d’enseignement philosophique et religieux, de commentaire social et d’affirmation de la généalogie d’un clan par le biais de l’humour. Dans le topeng wali, la fonction rituelle et cérémoniale est exercée par son dernier personnage, le Sidhakarya. Du point de vue du comédien, une représentation de topeng combine des danses complexes, de l’improvisation verbale qui demande une grande habileté du comédien et l’exécution de pratiques rituelles liées à la cérémonie principale.
Avec le flux grandissant de touristes dans l’île, progressivement, les Balinais vont commencer à chorégraphier et à présenter des danses basées sur des transes de possession d’usage essentiellement sacré. En 1971, un séminaire nommé « Danse sacrée et profane » est organisé par le LISTIBIYA, la Commission d’Évaluation et Promotion de la Culture[4]. L’objectif est de délimiter dans l’ensemble les formes balinaises les frontières entre le sacré, le séculaire et le profane. Tel le balinais, l’indonésien ne connaissait pas ces termes et les néologismes de base latine sont alors créés : sakral et provan. Une classification est alors établie entre les formes wali (sacrées), bebali (cérémoniales) et bali-balihan (séculières). Le rapport entre le lieu de représentation et le temple (pura) révèle énormément sur la sacralité de la forme.
Dans cet article nous essaierons d’exposer premièrement deux exemples de bouleversements à l’égard de l’Autre concernant le choc entre les imaginaires fictionnels auparavant créés, dans les exemples de Roberta Carreri, comédienne de l’Odin Teatret et Ana Teixeira, metteur en scène de l’Amok Teatro. Ensuite, nous parlerons d’un bouleversement géographique vécu par Felisberto Sabino, professeur à l’Université de São Paulo. Finalement, nous exposerons comment le parcours de voyage du Brésil à la France et de la France à Bali, a provoqué un bouleversement profond dans notre cartographie personnelle. En tant que chercheuse et comédienne, nous nous sommes impliquées dans l’analyse du déplacement cartographique qui a été opéré dans notre imaginaire grâce à ces successifs voyages. De ce fait, nous voulions exposer les contradictions originaires de cette confrontation.
Ainsi, avant d’aller à Bali, tous ces artistes avaient une idée mentale et particulière de ce que pourrait être cette île, ces formes spectaculaires et son contexte religio-culturel. Ces artistes voyageurs avaient également une image ou plutôt un imaginaire fictionnel de Bali. S’y rendre pour un voyage d’études, même s’il était initialement restreint au contexte de l’apprentissage d’une danse, a signifié pour eux la confrontation de cet imaginaire antérieur avec l’expérience du réel de l’environnement balinais.
À propos de la création d’images sur Bali
Au long du siècle XX, des voyageurs européens et nord-américains ont produit un ensemble diffus de récits de voyages, de travaux anthropologiques, de clichés photographiques et de films sur Bali. Cet ensemble important de registres commence à être créé à partir du début de la présence coloniale néerlandaise à Bali et de la conséquente ouverture de l’île au tourisme[5]. Depuis ce fait, la présence de touristes, dont des artistes divers, ne va pas cesser d’augmenter.
Depuis le début de l’exploitation coloniale néerlandaise, le rôle des artistes étrangers, admirateurs ou apprentis des arts balinais, a été très significatif, voire fondamental, dans la promotion et dans le faire connaître de l’île au monde. Leurs œuvres écrites, photographiques et filmiques ont fortement collaboré à la diffusion d’un imaginaire « paradisiaque » de cette île aux dieux, ou aux démons, selon le goût et la préférence du chroniqueur :
Parmi les visiteurs, il faut accorder une considération particulière à la petite communauté d’étrangers qui séjournent à Bali au cours de l’entre-guerres. Des artistes et des intellectuels pour la plupart – sans oublier une poignée de commerçants – ces résidants étrangers constituèrent l’avant-garde aussi bien que la caution culturelle du tourisme élitaire de l’époque coloniale. À ce titre, leur rôle fut de médiateurs entre Bali et les touristes, non seulement en accréditant et en diffusant l’image de l’île comme paradis en Occident, mais encore et surtout en identifiant la société balinaise à sa culture – réduite en circonstance à ses manifestations artistiques et cérémonielles. Leur influence sur les modalités de la mise en tourisme de Bali s’est exercée de plusieurs façons. (Picard, 1992 : 30)
Cependant, la vulgarisation des images de Bali et de ses habitants n’a pas été faite exclusivement par le biais de ces voyageurs étrangers. Au long du siècle dernier, le flux de déplacements d’artistes balinais à l’étranger est également considérable et débute dans le contexte des Expositions Coloniales. D’ailleurs, le plus célèbre témoignage d’une forme spectaculaire balinaise dans le champ théâtral européen et américain est certainement celui d’Antonin Artaud, « Sur le Théâtre Balinais », présent dans son ouvrage Le Théâtre et son Double. Il a été écrit après sa visite à l’Exposition Coloniale de 1931, à Vincennes, en France. D’un côté, ce texte est l’expression du bouleversement visionnaire d’Antonin Artaud devant cette troupe balinaise[6]. Il s’agit d’une expérience révélatrice qui lui fait découvrir une forme théâtrale qu’il identifie comme métaphysique, active sur le plan physique. Le théâtre balinais vu à Vincennes est pour lui le seul contact avec Bali à partir duquel il élabore sa pensée sur l’Orient et le théâtre oriental :
En fait, ce fut pour Artaud le seul contact avec l’Orient comme territoire concret, certain, des sources, puisqu’il n’a jamais fait le voyage vers l’Orient, que ce soit en Chine ou au Tibet dont il a toujours rêvé et que, comme il le dit lui-même, il aurait très bien pu faire à la place du voyage au Mexique. Or c’est à partir de là qu’Artaud développe toute une réflexion beaucoup plus vaste sur l’opposition Orient-Occident dans Le Théâtre et son Double, car il a parfaitement bien pressenti – à travers cette brève mais fulgurante découverte – qu’il y avait là une pratique de signes impliquant une culture autre (…) (Borie, 1989 :167)
La lecture des textes d’Antonin Artaud, « Sur Théâtre Balinais » et « Théâtre Oriental et Théâtre Occidental », est commune à plusieurs artistes de la scène, dont ceux analysés dans cet article[7]. Pour les pratiquants de théâtre, ces textes restent une première approche de Bali. Conséquemment, ils induisent à la création d’un « récit fictionnel » de Bali. Telle démarche nous a été très clairement exemplifiée par le témoignage de Felisberto Sabino :
Ma première référence de Bali ne vient pas de cette recherche actuelle. Elle est antérieure, de mon époque d’étudiant de théâtre. Elle vient du Théâtre et son Double d’Artaud. Alors, à partir de cela et de la manière dont la question artaudienne est pensée ici au Brésil, tout cela m’a amené à un imaginaire… J’ai créé une « histoire » de Bali à partir de ce qu’Artaud a écrit. J’avais un Orient idéalisé, tant son côté culturel, quant sa vie quotidienne. (Coelho et Sabino, 2012)
Parmi les éléments de ce « récit fictionnel » de Bali, l’affirmation de l’opposition entre le théâtre « oriental et occidental » a été particulièrement assimilée par les artistes interviewés et par des artistes de la scène en général. Dans le cas des brésiliens, il nous semble que ces catégories n’ont pas encore mérité une problématisation adéquate. Nous reviendrons à ce sujet plus loin dans cet article. Puisque dans la réflexion artaudienne, « l’Orient » est le territoire des sources et du mystique et les formes scéniques « orientales » matérialisent ces caractéristiques, dans « une sorte d’architecture spirituelle » (Artaud, 1964 : 67). Le vécu de la présentation des Balinais lui a ouvert un champ vaste pour la réflexion conceptuelle de ce qui serait le « théâtre oriental » :
(…) his writings on the Balinese and Cambodian dances are among the most alluring fictions of the « oriental theatre » that have ever been written. Fictions, I emphasize, because Artaud’s essays are neither historical accounts nor systematic descriptions of what he saw it is unlikely that he knew the differences between kebyar, djanger, legong, and baris they are his envisionings of an « impossible » theatre. It is essential to keep in mind when discussing Artaud’s attitude to the « oriental theatre » that « The stimulus (of the Balinese and Cambodian dances) could just as well have come from observing the theatre of a Dahomey tribe or the shamanistic ceremonies of the Patagonian Indians » one could add the traditional dance-theatres of India like kathakali and chhau « what matters is that the other culture be genuinely other: that is non-Western and non-contemporary.» (Artaud 1976, xxxix) What concerned Artaud was not the Balinese theatre as such but the « oriental theatre » – a term he created to evoke a magical storehouse of ancient rhythms and gestures shared by diverse theatres from the East. (Bharucha, 1984 : 3)
Telle que nous l’évoque Rustom Bharucha, la réflexion artaudienne va conduire les artistes d’influence européenne à percevoir les formes scéniques d’Asie d’une manière homogène, tel un grand ensemble, en effaçant les différences fondamentales qui existent entre elles. Deuxièmement, elle renforcera une ligne de pensée qui conçoit une opposition ontologique entre l’Orient et l’Occident et qui se prolonge jusqu’à nos jours. Par exemple, Antonin Artaud place ce théâtre hors du domaine du texte et par cet aspect il s’opposerait inévitablement au théâtre dit « occidental ». Cependant, la place du discours oral dans la plupart de formes scéniques balinaises est fondamentale. Dans ces formes plusieurs sources textuelles sont employées. Le gambuh se sert du Malat, un recueil d’histoires du prince Panji, le wayang wong adapte le Ramayana pour la scène et le wayang kulit utilise comme base de son discours les histoires du Ramayana et du Mahabharata. En outre de se nourrir de ces deux épopées, l’acteur-danseur du topeng articule les textes du Babad, chroniques généalogiques des clans balinais, dans ses improvisations.
Sous le choc du réel de la scène balinaise
Roberta Carreri découvre le théâtre balinais dans le cadre de l’ISTA – International School of Theatre Antropology, une école itinérante dirigée depuis 1980 par l’Odin Teatret. Son premier voyage à Bali date des années 90. Le sentiment de bouleversement qu’elle y éprouve est justement lié au choc entre un contexte imaginé et le réel de la scène balinaise :
Je vais dire une chose qui peut être provocante. Mais j’ai connu le théâtre balinais en Europe, dans le contexte de l’ISTA. Cela signifie que j’ai vu le spectacle sur une scène qui était très propre avec un fond noir. C’était magnifique de les voir, car ils étaient tellement différents du contexte qu’ils sortaient vraiment. Et puis quand je suis allée à Bali, ce qui m’a frappé c’est le grand contexte, le monde. L’univers dans lequel ils bougeaient était tropical, tout à fait en harmonie avec eux. Mais la scène était très pauvre et très rough, très dure. Elle n’était pas soignée. Et cela m’a frappé beaucoup, parce que je pensais que tout l’aspect religieux demandait aussi un sol comme celui du théâtre Noh, bien poli. Tandis que là, non, c’était la terre ou le ciment. Je ne voyais pas cet endroit comme plein de possibilités. Je voyais quelque chose de dur. (Carreri et Coelho, 2012)
Premièrement Roberta Carreri a été frappée par l’harmonie entre l’environnement balinais et les comédiens. Cependant, le fait de ne pas rencontrer l’image qu’elle avait créé pour le lieu religieux balinais la bouleverse davantage. Il faut préciser qu’à Bali un grand nombre de présentations se déroulent à l’intérieur des temples et en concomitance avec des rites divers. En outre, les temples sont en plein air. Nous pouvons discerner la déception générée par son expectative envers la scène balinaise. Son témoignage nous est révélateur, car Roberta Carreri exprime clairement l’attente que cet ensemble couramment nommé « théâtre asiatique » ou « théâtre oriental » soit uniforme. De ce fait, la tendance des artistes est d’uniformiser l’espace scénique du temple balinais et celui du Noh japonais, car il s’agit dans les deux cas d’un « théâtre oriental » et parce qu’il s’agit d’une forme spectaculaire liée à un contexte religieux. Ce label est justement le symptôme d’une généralisation.
La différence entre assister à un spectacle balinais en Europe et dans son environnement d’origine est également soulignée par Roberta Carreri :
Et pour moi c’était une grande différence de voir une troupe balinaise faire ce spectacle dans un théâtre en Europe, et de les voir faire ces représentations à Bali. C’était vraiment le temple de Batuan. Peut-être que tu l’as vu, non? Je n’arrive pas à le penser comme un temple. C’est un temple, bien sûr, mais où nous faisions nos répétitions, c’était un endroit très brut, pas magique. Il devenait magique quand les acteurs, les danseurs et les musiciens commençaient leur performance. (Carreri et Coelho, 2012)
La brutalité du sol en ciment du lieu où se déroulent simultanément les présentations de topeng et les prières des balinais lui provoque un sentiment d’étrangeté. C’est en apercevant ce sol brut couvert par les restes d’offrandes défaites, pas magique, selon ses mots, qu’elle se rend compte de la singularité du terrain balinais. Ce sentiment d’étrangeté lui a permis de percevoir l’altérité. En outre, le spectacle balinais présenté en Europe ne lui offre pas la dimension de la culture balinaise comme le fait celui réalisé in loco.
Pour Ana Teixeira : Ce n’était pas une légende
Issue de la rencontre entre une danseuse brésilienne, Ana Teixeira, et un comédien français, Stéphane Brodt, l’Amok[8] Teatro est une compagnie de théâtre très active au Brésil[9]. Pendant plusieurs années Stéphane Brodt a été comédien du Théâtre du Soleil. Il avoue que son regard envers les formes spectaculaires d’Asie a été fondamentalement façonné lors de ses années de travail de cette compagnie. L’influence d’Ariane Mnouchkine est flagrante. Selon son propre ressenti, le pont qui l’amène à l’Asie est celui construit par Ariane. Tant Ana Teixeira que Stéphane Brodt font référence à un événement qui les a profondément marqué lors d’un voyage à Bali. Voici le témoignage d’Ana Teixeira :
Alors, vous me demandez qu’est-ce qui peut avoir transformé ou « bouleversé » mon parcours… Je dirais qu’il y a eu un événement spécialement marquant. C’était lors d’une cérémonie, dans une maison. Il s’agissait d’une cérémonie post enterrement, pour les morts, et plusieurs choses y avaient lieu. Il y avait un théâtre de marionnettes, il y avait des masques, des jeux. Il y avait tellement de choses, même des coqs ! Il y avait un peu de tout ! Tout d’un coup nous avons entendu quelqu’un frapper sur une boîte: tac, tac, tac, tac… C’était un manipulateur qui jouait un spectacle de wayang kulit devant personne. Cela m’a touché énormément ! Il n’y avait personne et néanmoins c’était merveilleux. Mais personne ne le regardait. Il le faisait pour les dieux vraiment. Ce n’était pas, disons, une légende. Il faisait cela vraiment pour les dieux. Cela m’a beaucoup marqué, car cela donne uns sens complètement différent à l’acte théâtral. Cette expérience, évidement, est imprégnée en moi jusqu’à aujourd’hui. Je crois que c’est ce qui est le plus imprégné. (Coelho et Teixeira, 2012)
Ici, le moment de bouleversement est très précis et son souvenir demeure très vivant. Ana Teixeira est frappée par la confirmation d’un fait qu’elle jugeait de l’ordre du fictionnel, une légende. Elle savait que l’on pouvait rencontrer à Bali une forme de « théâtre sacré », dans les formes de spectacle liées à des cérémonies religieuses. Cependant, l’image de ce qui serait ce « théâtre sacré » était loin de ce qu’elle a vécu concrètement. Il y a une distance entre ce qui est imaginé et l’événement concret. Possiblement, l’image floue et générale qu’elle avait de « théâtre sacré », tout en coup, de manière inespéré, s’est cristallisée devant elle sous la forme de ce dalang[10] joueur de wayang kulit lemah[11].
Le retour à l’enfance brésilienne : le voyage à Bali, voyage au passé
Felisberto Sabino est professeur de théâtre de marionnettes et de formes spectaculaires traditionnelles brésiliennes à l’Université de São Paulo, au Brésil. Les folguedos brésiliens, tels le bumba-meu-boi et le maracatu[12], sont un de ces intérêts de recherche préférentiels. Il est autrement frappé lors de son premier voyage à Bali en 2011. Le bouleversement chez Felisberto Sabino est lié à un rapport particulier entre étrangeté et familiarité. Il éprouve un choc géographique intense, un mélange entre voyage concret et voyage dans le temps :
Je suis de Minas Gerais, j’ai grandi là-bas et j’ai environ 50 ans. Alors, quand je suis allé à Bali… je parle des villages moins centraux. Il y a là-bas un certain rapport dans la campagne, dans les rapports familiaux, dans les relations entre les gens, qui m’a beaucoup rappelé une région de Minas Gerais, la zone Est. Cela m’a beaucoup rappelé la Vallée du Jequitinhonha, un endroit que je fréquentais enfant. (…) Ils vivent dans un espace-temps qui est le XXIème siècle, mais en même temps je me suis senti dans mon enfance, dans les années soixante-dix, à Jacinto (village). Le voyage m’a offert cela, une certaine brésilité (brasilidade)… Et moi, je n’avais jamais imaginé pouvoir être proche de cela à Bali… (Coelho et Felisberto, 2012)
L’environnement balinais provoque en lui un vrai voyage « à la madeleine de Proust ». L’odeur de la fleur de frangipanier, omniprésente dans les offrandes balinaises, l’a embarqué au Brésil, à l’État de Minas Gerais de son enfance :
Alors, c’était tellement bizarre. J’étais là-bas et les choses qui m’ont semblé étranges n’étaient pas les choses exotiques, mais mes celles de tous les jours, les choses que j’avais déjà éprouvé une fois dans ma vie, dans un autre lieu, dans une autre époque. Cette connexion m’a fait faire un tour en moi même. Les choses exotiques, les bâtiments, la température du lieu, les costumes, ces choses que l’on trouve normalement bizarres, ces choses-là ne m’ont pas semblé étranges. Je les avais déjà vu, ou je les attendais. Mais marcher dans une rue sans éclairage, par exemple, cela m’a emmené dans les années 60. C’était comme si j’étais chez moi. (…) Alors c’est cela qui était le plus drôle : je suis allé de l’autre côté du monde pour sentir des choses que je ne sentais pas depuis si longtemps, dans un pays censé être différent… (idem)
Felisberto Sabino perçoit à Bali un lien insoupçonné avec le Brésil. Il est déconcerté par cette connexion et par la contradiction qui s’établit. Il se voit en tant qu’occidental, mais il se sent plus proche de Bali que de la France européenne. Intuitivement, guidé par son ressenti personnel, il suggère cette approximation inattendue :
Cela était très bien et c’était très différent de ce que j’ai vécu en Europe. Dans ce sens-là, je me suis senti beaucoup plus proche de Bali que de l’Europe. Et c’est étrange, car Paris est occidentale et pour ceux qui font du théâtre c’est une référence très forte. (idem)
Nous avons eu un ressenti proche de celui de Felisberto Sabino, lors de notre premier séjour à Bali en 2008. C’est en exposant cette expérience que nous essaierons de comprendre le processus qui nous a fait redessiner notre cartographie personnelle du monde.
Une cartographie personnelle redessinnée grâce aux voyages
D’une manière similaire à celle décrite par Felisberto Sabino, notre parcours de voyage du Brésil à la France et de la France à Bali a provoqué un bouleversement profond dans notre cartographie personnelle. L’affranchissement successif de ces frontières nous a permi une vision du monde sous une perspective absolument nouvelle.
Le terme « cartographie » est ici employé dans le sens que lui confére la Géographie contemporaine. Outre le fait de designer la science qui étudie et qui créé des cartes géographiques, la cartographie est pensée en tant que théorie cognitive de la représentation du monde. Elle est également perçue en tant que théorie sur les technologies à travers lesquelles la complexité du monde réel est réduite à une représentation graphique. Ainsi les images sont projetées pour que l’on puisse s’approprier intellectuellement le monde (Lévy, 2003 : 135).
Cependant, nous parlons d’une cartographie personnelle. De ce fait, nous supposons que nous avons tous une représentation imaginaire du monde dans nos esprits. Telle qu’une carte, cette représentation est dessinée par nos réflexions et par l’assimilation de la pensée des autres sur le monde. Ainsi, notre point de vue personnel et notre lieu d’énonciation sont cruciaux pour la configuration de cette carte. D’une certaine manière, cette représentation nous guide dans nos contacts avec l’Autre. Par le biais d’un exemple personnel, nous allons exposer la manière dont s’est opéré ce changement de lieu d’énonciation et par conséquent, de cartographie personnelle.
Après avoir fini la Licence en Théâtre à l’Université Fédérale de Minas Gerais au Brésil, nous avons déménagé en France pour poursuivre nos études à l’Université Paris 8. Notre première intention à l’époque était également de poursuivre une recherche pratique dans le champ de masques théâtraux, démarche que nous avions commencé auparavant au Brésil.
En arrivant à Paris, nous avons participé à un atelier de topeng, à l’ARTA, Association de Recherche des Traditions de l’Acteur à la Cartoucherie de Vincennes. À l’époque de ce premier atelier, nous étions simplement fascinées par les masques du topeng et par la pratique avec ceux-ci. Nous avons fait un deuxième atelier de topeng à l’ARTA, avant de nous rendre concrètement à Bali. Cette forme scénique avait été choisie comme sujet de master. Avant le premier voyage à Bali, en 2008, nous nous sommes consacrées à la lecture de textes disponibles en anglais, français et italien sur le topeng. Six mois après la soutenance de notre premier travail écrit sur le topeng, nous sommes allées à Bali pour continuer nos études pratiques de cette forme scénique.
Ce séjour a provoqué un grand bouleversement pour quelqu’un qui attendait un lieu exotique. Pendant la période vécue à Bali, nous avions continuellement la sensation ambiguë de familiarité et d’étrangeté auprès de cette île. Le climat tropical, la végétation luxuriante, le riz à la table, les fruits, les gens accueillants et d’autres aspects nous ont fait nous sentir chez-nous. Plus qu’en France où nous habitions et où nous pensions partager une même « occidentalité », en outre un fond culturel de base occidental. En même temps, la culture balinaise s’avérait extrêmement différente de la brésilienne.
À Bali, une confrontation continuelle a eu lieu entre ce que nous attendions, ce que nous avions lu et l’expérience que nous éprouvions sur le moment. Pendant quelques mois, à côté de l’apprentissage de la danse, nous accompagnions les répétitions de gambuh au village de Batuan et les présentations de topeng. Nous étions logées chez une famille autochtone, ce que nous a permis d’assister à plusieurs cérémonies aux temples de l’île. Nous avons vécu intensément la vie quotidienne des villages d’Ubud, Peliatan et Batuan, situés à l’intérieur de l’îIe.
Progressivement au cours de ce voyage, nous avons compris que ce qui était exotique pour les auteurs européens et américains, décidément ne l’était pas pour nous. Notamment, nous percevions que la notion d’exotisme était couramment employée à partir d’un lieu d’énonciation unique. L’exotisme serait présent dans ce qui ne correspond pas aux formes « occidentales ». Même si les auteurs contemporains n’emploient pas explicitement ce mot, la notion « d’exotisme » est implicitement présente, déguisée par celle de l’esthétique du divers. Puisque le divers, l’autre, est encore placé comme étant le non-occidental dans le discours écrit dominant. Pour cela, nous attendions aussi de Bali un lieu « exotique et particulier ».
C’est dans ce conflit entre ces « lieux d’énonciation de l’exotisme » que nous avons pris conscience d’une certaine confusion dans notre point de vue antérieur à ce premier voyage à Bali. Nous avions automatiquement emprunté une perspective « occidentale », sans nous rendre compte de la complexité liée au lieu d’énonciation brésilien. Ce lieu d’énonciation troublé est révélé aussi par la difficulté à définir un placement cartographique du Brésil dans un monde divisé par le binôme Orient / Occident.
Parallement à nos recherches doctorales, nous avons informellement demandé quelle serait la place du Brésil dans cette carte qui divise le monde entre l’Orient et l’Occident. Cela a été fait en Europe à des audiences diverses. Pour la plupart des auditeurs non-Brésiliens et non-Latino américains, la réponse était claire. Le Brésil ne fait pas partie de l’Occident. Il est dans un ailleurs géographique, tel l’Afrique. Une minorité d’auditeurs a évoqué le fait que les métropoles brésiliennes comme São Paulo et Rio de Janeiro sont plus occidentalisées. Quelques-uns hésitaeint, sans savoir exactement, quelle réponse donner. Cependant, dans le sens commun, le Brésil n’appartiendrait pas à l’Occident.
De la perspective brésilienne, il est intéressant de noter qu’il existe un Orient et un Occident et que nous faisons partie de ce dernier. Les Brésiliens, particulièrement l’élite universitaire, absorbent un point de vue « occidental » lors des rapports envers les cultures asiatiques et cela est spécialement vrai dans les champs du Théâtre et de la Danse. Interrogés sur la place du Brésil dans ce binôme Orient versus Occident, Ana Teixeira et Felisberto Sabino sont unanimes: ils le placent dans l’Occident. Nous avons demandé à Ana Teixeira quelle était la place du Brésil dans le contexte de ce binôme :
D’abord, je crois que dans notre histoire politique il y a un mouvement plus important et conscient de se voir. Je dirais que pendant beaucoup de temps je voyais le Brésil en tant qu’Extrême Occident, pas en tant qu’Occident : très imprégné de la culture nord-américaine, avec une économie ultra capitaliste, libérale. (…) Je crois qu’aujourd’hui on se voit plus lié à l’Afrique… D’ailleurs, on la localise où ? Occident ? Orient ? L’Afrique est toujours mise en tant que continent totalement à part qui ne se situe dans aucun endroit de la planète. Alors, je pense qu’aujourd’hui, la conscience de la culture africaine au Brésil est considérablement plus importante qu’il y a quelques années. C’est l’impression que j’ai. Les gens prennent plus conscience aussi de leurs différentes racines : arabe, ibérique, européenne, africaine, amérindienne. Le Brésil essaye de comprendre son identité, indépendamment d’une identité européenne. Et je remarque que même du point de vue de la géopolitique internationale que le Brésil a un autre rôle aujourd’hui. (…) Depuis quelques années, le Brésil se place de manière plus indépendante, parlant par lui-même, il n’est pas toujours aligné avec les Américains. Il se voit constitué de différentes cultures et ces cultures-là sont valorisées. Pendant beaucoup de temps, seule la culture européenne était valorisée. Aujourd’hui non. (…) Finalement, je ne saurai pas te répondre “c’est comme ça”. (Coelho et Teixeira, 2012)
Ana Teixeira aperçoit l’Afrique dans un non lieu dans cette carte. Le Brésil serait un « Autre Occident ». Felisberto Sabino appréhende cette question de manière similaire à celle d’Ana Teixeira :
En fait, je parle de mon expérience. Je crois que le Brésil est à la fois dans et hors de l’Occident. Dans un certain sens, il est dedans, comme si l’Occident était un vêtement, une peau, plus à l’extérieur, Mais si l’on va à la chair, je crois qu’il n’y est pas, car nous avons quelque chose… … Je ne sais pas si c’est lié à la forte influence indienne, africaine… Nous sommes occidentaux, mais pas comme des européens. Je pense que l’influence de la culture indienne et africaine a été déterminante pour notre contradiction, cela nous a apporté des choses, nous avons un rapport corps et esprit, plus proche de cette dimension du sacré qu’un européen, qu’un français. C’est un ressenti. Je n’ai aucun argument scientifique. Je suis dans le domaine de l’impression, de la perception. Je crois que nous sommes “Occident” mais d’une autre manière. (Coelho et Sabino, 2012)
Ana Teixeira et Felisberto Sabino, ainsi que d’autres Brésiliens, ne réalisent pas le fait que cet Occident « officiel » ne considère pas le Brésil comme un pays occidental. Dans le champ théâtral, le Brésil est encore vu comme un pays « d’ailleurs ». Cette valorisation des matrices formatrices du peuple brésilien, évoquée par Ana Teixeira, nous semble cruciale pour une réflexion profonde sur rapport identitaire brésilien. Les travaux des anthropologues tels que Darcy Ribeiro, nous aident à saisir cette identité sous une perspective plurielle et continentale.
Par ailleurs, ce modèle de conception du monde élit deux pôles et crée des territoires marginaux. Même si nous considérons les théories critiques de l’Orientalisme, depuis les travaux de Edward Said, où la construction européenne de l’Orient est analysée, nous devons également considérer les territoires qui sont mis à part. La question se pose encore si nous divisons le monde entre Occident et non-Occident, comme il est coutume chez les théoriciens postcoloniaux.
Nous mettons en question le point de vue brésilien envers l’Orient, car la majorité de l’élite universitaire de ce pays continue à emprunter ce binôme Orient/ Occident pour dessiner la cartographie du monde. Et de ce fait à se penser et à s’identifier en tant qu’occidentale. Par conséquent, des perspectives “européennes et nord-américaines” sont empruntées pour penser l’Asie. Selon Heloisa Toller Gomes, les questions sur l’altérité et l’identité ont été toujours complexes au
Brésil :
Considérés comme “les autre” de l’Europe, avec leur population fréquemment vue comme sous-race par les visiteurs et les observateurs étrangers, les Portugais ont dupliqué contre leurs colonies la discrimination et le mépris qu’ils ont senti de la part de l’Europe “plus civilisée” à leur endroit. On ne s’étonnerait pas que la question de l’altérité soit remplie par des complexités très particulières.
Les spécificités du colonialisme luso brésilien ont dessiné les traits structurels de notre formation populationnelle, culturelle et idéologique, par conséquent de notre construction identitaire.[13] (Gomes, 2006 : 4)
À ce sujet, cet article a proposé l’exposition de cette contradiction de l’identité brésilienne. Nous pensons qu’une problématisation collective à ce sujet et un ajustement de perspective sont urgents et indispensables pour une réflexion plus approfondie sur nos appartenances et nos identités multiples.
Footnotes
- La chercheuse en question est l’auteur de cet article. Elle rédige une thèse sur les enjeux interculturels autour du topeng balinais.
- Nous trouverons une forme spectacle nommée topeng à Java et à Madura. Dans cet article, nous ne faisons pas référence à la variante de ces deux îles.
- Nous préférerons ici employer les termes « formes de spectacle » ou « formes spectaculaires » ou lieu de « théâtre » ou « danse ». Ces formes font partie d’un contexte où le théâtre et la danse ne sont pas conçus séparément.
- Pour une réflexion sur ce processus, cf « La danse balinaise est-elle un art ? » (Basset/Picard, 1993: 173)
- Pour plus de précisions sur le procès de développement du tourisme à Bali, nous recommandons l’ouvrage de Michel Picard : BALI, Tourisme culturel, Culture touristique.
- Il est important de mentionner que le spectacle vu par Antonin Artaud était déjà une forme chorégraphiée prévue pour être présentée aux touristes. C’était une sorte de spectacle de divertissement (balih-balihan).
- On oserait dire que le texte « Sur le Théâtre Balinais » est la première approche des praticiens et théoriciens de théâtre au contexte des formes artistiques balinaises.
- Amok en indonésien, mot dérivé de l’amuk en malais, signifie « folie furieuse », « colère ». C’est un terme largement utilisé à Bali pour décrire les attaques de furie des personnes pendant la transe.
- Depuis 1998, la compagnie se consacre à la recherche continuelle sur des techniques de l’acteur et sur la mise en scène. Ses spectacles ont reçu les plus importants prix de théâtre brésilien et ont été amplement reconnus par le public et par la critique brésiliens. Le corps de l’acteur a une place centrale dans les mises en scène d’Ana Teixeira. Il est considéré comme le sujet fondamental du théâtral.
- Le dalang est le marionnettiste sacerdoce du wayang kulit, forme spectaculaire commun à Bali et à Java.
- Le wayang kulit lemah est la version diurne et cérémonielle du wayang kulit. Le spectacle décrit par Ana Teixeira et Stéphane Brodt est cette forme, qui est présentée en concomitance avec d’autres formes et rites lors des cérémonies diverses.
- Le bumba-meu-boi et le maracatu sont deux folguedos brésiliens, fêtes religieuses dramatiques dansées. Elles sont liées au syncrétisme religieux, mélangeant des croyances catholiques et celles des religions afro-brésiliennes. Le maracatu est un folguedo typique de l’État de Pernambuco et le bumba-meu-boi a lieu dans plusieurs endroits du pays, se concentrant dans les régions nord et nord-est.
- Traduction personnelle.
Works Cited
Livres:
Artaud, Antonin (1964), Le Théâtre et son Double, Paris, Gallimard.
Basset, Catherine / Picard, Michel (1993), Bali. L’ordre cosmique et la quotidienneté, Paris, Autrement.
Borie, Monique (1989), Antonin Artaud, le théâtre et le retour aux sources, Paris, Gallimard.
Lévy, Jacques /Lussault, Michel (2003) Dicitionnaire de la Géographie et de l´espace des sociétés. Paris, Belin.
Picard, Michel (1992), Bali. Tourisme Culturel et culture touristique, Paris, L’Harmattan.
Périodiques:
Bharucha, Rustom (1984), « A Collision of Cultures: Some Western Interpretations of the Indian Theatre », Asian Theatre Journal, Vl 1, N° 1, pp. 1-20
Gomes, Heloísa Toller, « Crítica pós-colonial em questão », Revista Z Cultural, Ano III, N° 1, PACC/ UFRJ, 2006
Ouvrages inédits :
Coelho, Juliana, Teixeira, Ana (2012), Entretien avec Ana Teixeira, Rio de Janeiro.
Coelho, Juliana, Sabino, Felisberto (2012), Entretien avec Felisberto Sabino, São Paulo.
Coelho, Juliana, Carreri, Roberta (2012), Entretien avec Roberta Carreri, Hostelbro.