Maître,
J’ai longuement réfléchi avant de vous écrire. Je sais que vous avez de nombreuses préoccupations et non des moindres. Vous êtes à la tête du plus vaste Empire de l’histoire, vous êtes son timonier et sa lumière. Je ne suis qu’un simple citoyen, mais un citoyen engagé et qui a à cœur les intérêts de l’Empire. Empire qui, est-il nécessaire de le rappeler, depuis bientôt quatre siècles, rayonne de tous ses feux. C’est l’empire de loin le plus riche dans l’histoire du monde. Nous sommes la première puissance militaire au monde, nous disposons des meilleures universités, nous avons effectué des découvertes monumentales dans le domaine scientifique, nous avons colonisé Mars et bientôt d’autres planètes, notre vie culturelle est d’une richesse inouïe mais, plus encore, l’Empire a permis d’établir, grâce à la diplomatie, la paix dans une bonne partie de la planète.
Et bientôt, Maître, sous votre sage gouverne, on réalisera l’impossible, l’Utopie sur terre.
Se pointent néanmoins à l’horizon des dangers, anodins si on en croit certains, mais qui sapent les fondements de l’Empire, qui pourraient même le détruire. L’objectif premier de nos ennemis est la décomposition de nos pays. Oui, Maître, ils veulent les détruire, je vous l’assure. La situation, à vrai dire, est grave. Et il est important d’agir au plus vite. Ils sont partout. Il faut être d’une extrême vigilance.
Il est cependant impératif de procéder de manière rationnelle. L’Emperationalité est le propre du génie de notre peuple ; nous récusons les émotions primaires, les jugements hâtifs à l’emporte-pièce, nous devons donc analyser les problèmes avant de proposer des solutions. Je précise que mon ambition est modeste : comme je ne suis qu’un humble citoyen (ni savant ni intellectuel), elle consiste uniquement à susciter un débat, à éveiller les consciences.
Permettez-moi, Maître, de vous faire une confidence. Je les vois parfois la nuit. Ils hantent mes rêves. Ils hantent mes cauchemars. Ils sont passés maîtres dans l’art du déguisement. Ils parviennent à se nicher dans les rêves et les cauchemars des innocents. On croit parler à un des nôtres et on découvre, avec terreur, un Occidental. Ils sont semblables à des fourmis, des millions de fourmis, qui fomentent, sur leurs petites pattes dégoutantes, la subversion.
Ils sont partout, vous dis-je Maître. Ils grouillent sous ma peau. Des millions, que dis-je, des milliards de petites fourmis, mesquines et méchantes. Savez-vous, Maître, que ces fourmis par millions, par milliards grouillent sous la peau ? Savez-vous, Maître, que le visage des ces fourmis toute la nuit durant hurlent leur haine de l’Emperocratie ?
Permettez-moi de vous donner un conseil. Il faut se méfier : l’être le plus anodin, le plus sympathique est peut-être un Occidental. Et ils n’ont qu’un objectif : nous défaire.
Certains de nos plus brillants intellectuels réclament une nouvelle interprétation de l’Histoire. Ils prétendent que le succès de notre peuple n’est pas dû à son génie propre mais à l’influence d’autres civilisations, notamment l’Occident. Ainsi, l’Occident qui sombre depuis longtemps dans le déclin–, rappelons ici que son déclin a commencé au début du 21e siècle pour les raisons que l’on sait : le surendettement, un modèle politique archaïque, le culte de l’argent facile et surtout l’échec éthique et spirituel—, cet Occident aurait suscité l’émergence de l’Emperocratie. Quelques-uns affirment, par ailleurs, que nos historiens pratiquent l’Emperocentrisme, qu’ils ramènent tout à l’Empire en négligeant la contribution de l’Occident. On aurait donc détourné l’histoire, fait de l’emprise occidentale qui n’a duré en tout et pour tout que deux siècles, un égarement avant que l’Empire ne reprenne le dessus. Ces critiques tentent de démontrer que l’Occident serait à l’origine de nombreux progrès accomplis : les découvertes effectuées à la fin du 20e siècle dans le domaine aérospatial auraient permis la colonisation de Mars, ou encore celles dans le domaine de la physique quantique, l’invention de l’ordinateur simulateur d’une réalité parfaite. Ce sont évidemment des thèses farfelues.
Soyons justes cependant. L’Occident a effectivement dominé le monde pendant deux siècles mais en saignant les peuples conquis jusqu’à la dernière goutte, en les réduisant en esclavage, en pillant leurs ressources. Et s’il est vrai que des progrès ont été réalisés à cette époque, ils ne sont nullement comparables à ce qui a été fait depuis. Comment peut-on comparer la théorie de la relativité avec la théorie de l’interelativité, qui nous permettra bientôt d’explorer des univers parallèles ? Comment peut-on comparer l’invention de l’ordinateur avec l’invention de l’Ordinatrix, une machine capable de fabriquer de nouvelles espèces ?
Comment mettre de telles merveilles (voyage spatio-temporel, téléportation d’objets ou l’énergie perpétuelle) sur le compte d’une vieille civilisation qui se morfond aujourd’hui dans la superstition ? Certes, on peut leur reconnaître un mérite, celui d’avoir agi comme une courroie de transmission relayant le savoir ancien et perdu de l’Empire, mais sans plus. Notre civilisation, il faut le réitérer, a réussi grâce à son génie propre, c’est-à-dire une véritable éthique du travail, le respect de la hiérarchie, la discipline, une intelligence rationnelle et systémique.
Rappelons, Maître, que nous voulons instaurer la paix et il est malheureux de constater qu’on sabote cette démarche en propageant le mensonge.
Je dois vous avouer que je suis parfois las. Je me dois d’exercer la plus grande vigilance car ces Occidentaux prolifèrent partout. Mais je veille au grain. Je ne vais pas me laisser faire. Récemment j’ai eu recours à une méthode pour le moins radicale. Je n’ai pas fermé l’œil pendant plus de trois jours. Sans sommeil, je n’ai pas rêvé et les fourmis ne m’ont pas persécuté. Je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin. Désormais, je me propose de les extirper de mon corps avec un couteau. Je vais les tuer, ces maudites fourmis. Je vais me les faire.
On prétend que j’ai perdu la tête. Que je devrais consacrer mon temps aux soucis des communs des mortels. Mais les autres manquent de raison, Maître. Je sais que vous comprenez ma démarche. Je me bats pour un idéal. Protéger l’Emperocratie. Peu importe les palabres, peu importe les qu’en-dira-t-on.
Bientôt quand je me mettrai à lacérer mon corps, les imbéciles insinueront que je suis un fou. Je suis prêt, Maître, à affronter leurs quolibets. Je me propose (sous votre bienveillante autorisation, évidemment) de leur expliquer la gravité de la situation sur la place publique. Ils n’y comprendront rien. Ils ne veulent pas comprendre. Mais le spectacle de mon sang embué de fourmis maladives ébranlera les consciences.
Et je vais les tuer, Maître. Les petites fourmis. Toutes les petites fourmis. Avec mon beau couteau.
Mais revenons, Maître, à des considérations intellectuelles, plus dignes de votre attention. Je dois m’élever à votre niveau et non vous rabaisser au mien.
Pour ce qui est de l’Emperocentrisme, il est évident que c’est une thèse absurde. Si nos historiens ont ancré l’Empire au centre de la trame de l’histoire, c’est pour une raison toute bête, qui a évidemment échappé aux intellectuels bien-pensants : nous avons fait l’Histoire, nous l’avons forgée et elle est indissociable de notre histoire. Il est de bon ton, de nos jours, de pratiquer du masochisme intellectuel, certains estiment qu’il est plaisant de s’auto-lapider ; il faut au contraire avoir le courage de ses convictions, il faut pouvoir s’affirmer, dire, haut et fort, sans complexes, sans aucun sentiment de supériorité, que nous sommes le souffle qui a façonné l’Histoire des quatre derniers siècles.
On peut certes se livrer à des acrobaties intellectuelles, prétendre qu’une vétille a une portée historique (par exemple, les frasques politiques des pays Occidentaux) mais un fait demeure, l’Empire domine le monde et l’Histoire du monde (la grande, pas celle des dérisoires) est l’histoire de l’Empire. Qu’on le veuille ou pas.
J’estime que nous souffrons d’un mal, le complexe du vainqueur. Il faut faire preuve de modestie, c’est une des qualités de notre peuple, mais cette modestie ne doit pas se transformer en haine de soi. Sinon, nous risquons de devenir un peuple occidentalisé, incapable de réaliser ses ambitions, peureux et sans courage. Et surtout mesquin. Qui trouve le moyen de se déguiser en fourmi et en humain. Qui ne respecte pas les règles les plus élémentaires de la décence. Qu’il faut extirper systématiquement de ses rêves et de son corps.
Fourmis qu’il faut exterminer avec un couteau. Avec un bon gros couteau. Cou. Teau. Four. Mis. Je les tue. Tu les tues. On les tue. Les Four. Mis. Les fourmis mises dans un four. Ça me tue !
Permettez-moi, Maître, de vous raconter une anecdote. Je me suis récemment rendu en Europe. Je comptais aussi visiter les Etats-Unis (désormais désunis) mais, comme vous le savez, c’est un pays ravagé par la guerre et seuls les plus intrépides y ont désormais accès. Je dois avouer que j’aime bien le vieux continent, son histoire, son pittoresque, la cuisine est merveilleuse et les Européens dans l’ensemble ont su préserver un art de vivre ancien. On y rencontre aussi des personnes merveilleuses, ils ont un sens inné de l’accueil, il règne d’ailleurs une perpétuelle atmosphère de beuverie, joviale et conviviale. Et, franchement, on se laisse prendre au jeu, on boit de la bière et on mange des frites, on rigole et on rote. Il faut dire qu’ils sont sympathiques, les Européens.
Il y a chez eux un curieux mélange de rusticité et de générosité. Et il est évident qu’ils ont bon cœur, il leur est difficile d’exercer l’Emperationalité mais ils sont bons dans le fond. On comprend ainsi que le vent de révolte qui souffle dans ces pays est l’affaire d’extrémistes qui manipulent les modérés. L’Européen moyen désire comme tout le monde une vie paisible (donnez-lui du cochon, de la bière et des frites et il sera heureux) ; il se trouve pourtant des extrémistes, notamment religieux, les fameux Europats, qui attisent les flammes de la sédition.
Il est une chose qui m’a ému et c’est le spectacle de la déchéance. Ainsi les grandes villes sont dans un triste état, les pauvres se promènent partout, ils vivent entassés, par millions, dans des bidonvilles géants mais, pire encore. ils sont sous le joug de chefs religieux, des exaltés qui leur inculquent leur pseudo-savoir. Ils sont fanatisés par le désespoir et sont manipulés par de dangereux gourous. Figurez-vous que lors d’une visite à l’université d’Oxford, un jeune homme a piqué mon porte-monnaie. Mais je ne lui en veux pas, le pauvre. Je me dis que c’est peut-être un affamé ou un de ces aliénés qui errent dans les villes. Après, j’ai ressenti comme une étrange nostalgie. C’est un grand penseur de l’Occident qui a un jour écrit que ‘les civilisations sont mortelles’ et elles le sont effectivement. Comment donc expliquer le déclin de cette belle civilisation ? Suffit-il donc d’un rien pour que tout s’écroule ? Où sont passées les belles capitales, Amsterdam, Paris ou Londres?
Je me suis ensuite rendu dans la British Library qui est désormais une salle de spectacle accueillant des foules déchainées qui acclament des chanteuses déjantées, qu’elles se déhanchent en mini-jupes afin de célébrer leur culture ancestrale. Mais, pire encore, Maître, la Sorbonne, célèbre université française, est désormais un lieu de culte, on y prêche le fanatisme Europat, un cocktail explosif, comme vous le savez, de superstitions et de violence. Le plus affreux fut la visite dans les quartiers de cette grande maison d’édition française, Goguenard. Qu’est-ce qu’on y trouve désormais à votre avis ? Une librairie ? Une bibliothèque ? Non, Maître, on y trouve des fous qui brûlent des livres ! Que sont devenues les langues européennes, l’anglais, le français ou encore l’espagnol ? Pourquoi sont-elles désormais des terres arides, incapables d’inventer des concepts, des langues mièvres et moribondes ? On ne sait que trop bien les raisons de cette métamorphose, mais cela ne nous empêche pas d’éprouver un sentiment de nostalgie.
Retenons une leçon pour nous. Nous ne devons pas dormir sur nos lauriers. Le monde a besoin de l’Emperocratie, il a besoin de nos valeurs, de notre éthique, sans quoi il succombera à la barbarie gauloise. Il faut donc tout faire pour préserver notre suprématie. Cela dit, je suis convaincu après mon bref séjour en Europe que nous devons étendre notre programme d’aide aux pays pauvres. La solidarité Emperohumaniste est essentielle. Nous devons voter un budget conséquent pour les soutenir. Mais, plus encore, nous devons leur inculquer nos principes et nos valeurs.
Voyage agréable mais constat désespéré.
Tout n’est pas perdu pour autant.
Car on peut compter sur de nombreux Occidentaux, ceux qui soutiennent notre action. Je pense à un intellectuel en particulier qui a récemment publié, La Maladie de l’Occident, livre remarquable qui nous démontre que l’Occident est depuis longtemps empêtré dans une attitude régressive, dans le culte d’une gloire passée, d’un idéal à jamais défunt et qu’il est impératif de procéder à une réforme. L’élément clé de cet ouvrage est la déconstruction de la culture victimaire qui rend l’Emperocratie responsable de tous les problèmes de l’Occident. Le message est fort : nous en sommes là parce que c’est de notre faute. On conviendra que ce sont des idées subversives dans le contexte actuel.
Rappelons que nombreux sont les intellectuels, semblables à l’auteur de cet ouvrage, qui siègent dans des Emperothinktank, où ils interviennent régulièrement dans les grands médias et élaborent des stratégies pour aider les Occidentaux. Signalons aussi qu’ils ont soutenu notre intervention en Italie et la politique de ségrégation positive en Suisse. Ces intellectuels, et il faut s’en féliciter, sont d’excellents interlocuteurs. Ancrés dans leur culture d’origine, ce sont des Occidentaux authentiques mais qui comprennent tous les rouages du modèle Emperocratique. Ce sont des hommes et des femmes-ponts pouvant contribuer à combler le fossé entre nous et les Occidentaux. Ils ont besoin de notre soutien.
Toutefois, les rétrogrades ou victimaires répandent leurs slogans creux que je me permets, Maître, de résumer en une seule phrase pathétique : vous nous persécutez. Ainsi, ils nous accusent de tous les maux de la terre. Vous avez probablement lu, Maître, cet ouvrage qui a eu un certain écho, Peau blanche, Masque jaune qui évoque les complexes d’infériorité de l’homme blanc, qui l’invite à s’en débarrasser, à affirmer son identité, à se battre pour renverser l’Emperocratie. Tant de textes du même acabit ressassent les mêmes blâmes. Mais ce sont des peccadilles, Maître. L’Occident aujourd’hui est le fardeau de l’Empire.
Ayons le courage d’énoncer quelques vérités toutes simples. L’Occident a besoin de nous. Ses foules doivent se libérer de leurs carcans. Elles ont besoin d’un nouvel Einstein, d’un nouveau Newton, il en va de leur avenir. Un Occident qui aura renoué avec le dynamisme sera au service de la paix et se mettra enfin en marche vers le progrès.
Pas à n’importe quel prix, Maître. Avez-vous déjà vu une fourmi gluante et puante ? Savez-vous qu’il n’en reste plus dans mon corps ? Je les en ai extirpées. Je me suis beaucoup amusé, à vrai dire. Il est tout à fait agréable de transpercer la chair molle, libérant par le biais du couteau tout un arc en ciel de couleurs suintant de leur abdomen, de leurs glandes et de leur tout petit cerveau.
Je vous avoue, Maître, que je suis fou de joie car il n’en reste plus une seule. Permettez-moi de vous inviter à venir me rendre visite car je les ai incinérées dans un petit four construit à cet effet. Il n’est en rien grandiose mais il rend hommage à ma volonté de fer. Je ne suis pas homme à me laisser faire. Et s’il le faut, je m’en prendrai bientôt aux fourmis qui s’attaquent au corps de nos concitoyens. Je sais qu’elles y sont, bien cachées, prêtes à déferler leur bandeau de bébêtes carnivores au moment convenu.
Peut-être qu’il y en a une dans votre corps, Maître. Mais je ne le crois pas. Je ne sais pas encore. Je ne l’espère pas. Mais on tuera toutes les fourmis en temps et lieu.
Une nouvelle idée a fait son chemin dans nos universités : l’Occidentalisme. C’est, comme vous le savez, Maître, un jeune et brillant intellectuel d’origine allemande qui a développé ce champ d’études. Que signifie donc l’Occidentalisme ? En deux mots, un système de représentation dans lequel l’Emperocratie a cloisonné l’Occident et l’inventé à sa propre guise. Le savoir occidentaliste serait donc tributaire du pouvoir et représenterait surtout un fantasme des intellectuels de l’Empire. Cette thèse ayant ses prophètes est évidemment fausse. L’Occidentalisme n’existe pas. Nos scientifiques sont motivés par le désir de comprendre l’Autre dans toute sa vibrante humanité. Leur savoir a permis d’excaver l’âge d’or occidental. De fait, nos chercheurs ont redécouvert les grands écrivains occidentaux : sans eux, qui se souviendrait encore des grandes œuvres de Proust ou de Faulkner ?
J’ai eu l’occasion, par ailleurs, de rencontrer certains de ces grands Emperohumanistes qui travaillent sur l’Occident ancien. Je ne les retrouve absolument pas dans les caricatures des prêcheurs de l’Occidentalisme ; ils seraient, selon ces derniers, des ‘racistes, qui souhaitent perpétuer la domination coloniale.’ Vous conviendrez, Maître, que c’est absurde. Cet homme qui a consacré toute sa vie à étudier les tribus barbares anglaises, qui a publié un ouvrage fondamental, Foot et Bière ou le retour du Barbare, serait-il donc un Occidentaliste ? Non, Maître, les recherches de nos savants expriment un désir sincère de comprendre l’Autre. Ceux qui en doutent en se focalisant sur quelques stéréotypes par-ci, par-là font preuve de mauvaise foi. On se voit contraint de leur dire, sur le ton de la plus grande politesse, que ce sont, messieurs dames les intellectuels bien-pensants, des foutaises.
De telles thèses ne sont en rien anodines. Elles visent à détruire l’Emperocratie.
Et comment s’y prennent-ils ? En infiltrant les corps. In. Fil. Trant. Le mien. Le vôtre. Mon corps, le vôtre. Votre fil d’Ariane, le mien. Je perds le fil, je le retrouve, je l’écrase ! Nos corps. Ils y sont filtrés. Par le sang. Par le feu. Par tout. Une ligne de fourmis, une colonie, partout.
Il faut aussi parler de l’Occidentalaphobie. Nos intellectuels génèrent des mots à sonorité bizarre, qu’ils sont souvent les seuls, en compagnie de la clique des snobs et des prétentieux, à comprendre. L’Occidentalaphobie serait donc la diabolisation de l’Occident et, on peut dire, pour une fois, qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Je ne parle pas évidemment des élucubrations des théoriciens du complot, mais des hypothèses parfois justes de certains modérés. Aussi est-il vrai de dire que les médias (qui servent surtout à assouvir les instincts les plus primaires des foules), ressassent le stéréotype de l’Occidental apte à des actes fanatiques, amateur de paninis et de boissons gazeuses, personnage souvent grossier et primaire, dont le cerveau se situe dans un lieu que la pudeur m’interdit de nommer.
On se souvient, par exemple, d’une série récente à succès sur les errances d’un Espagnol apparemment parfaitement intégré dans l’Emperocratie mais qui se révèle être un Européen ‘traditionnel’ (bon vivant et pas tout à fait intelligent) et, évidemment, terroriste. Certains diront que ces stéréotypes ont un fond de vérité mais nous récusons de telles analyses. Bien que l’homme occidental ait ses défauts, il nous faut faire preuve d’empathie. La caricature ne servira qu’à entretenir la haine. Il faut rappeler aux grands propriétaires des médias que nous luttons pour conquérir les cœurs, pour qu’il y ait un rapprochement entre les peuples, pour accomplir notre mission conciliatrice.
Cela dit, il est hors de question de pratiquer la censure. Nous sommes un peuple qui respecte au plus haut degré la liberté d’expression. Je vous vois mal, par exemple, demander à un cinéaste de censurer son film. Il faut, par contre, engager une réflexion constructive, tendre la main à l’autre dans un véritable esprit de partage. Signalons à cet effet un film remarquable, L’Anglaise, qui raconte le retour d’une jeune Anglaise dans son pays après un séjour dans une grande ville de l’Empire. Un film subtil qui parvient à éviter tous les poncifs du genre. Je ne veux pas gâcher votre plaisir, mais la protagoniste parvient, après de nombreuses péripéties, à libérer ses concitoyennes des contraintes de la société traditionnelle, notamment, du double phénomène de l’anglicisation des esprits et de l’Europatisme, dont le symbole est le string en l’air sous un jean moulant. Il faut aussi préciser que, si je suis critique à l’égard de l’Occidentalphobie, je considère, néanmoins, que son utilisation abusive relève de la supercherie. Trop souvent, l’on accuse à tort à travers tout le monde d’être Occidentalophobe. C’est une tentative d’empêcher le débat d’idées.
On veut contraindre la pensée, on veut subvertir la liberté d’expression, on s’en prend aux valeurs fondamentales de l’Emperocratie. Vive l’empathie ! Mais il faut se méfier des fourmis.
Hier, j’en ai repéré une, Maître, qui remuait sous la peau de mon frère. J’ai failli pousser un cri de joie à la percevoir sous son épiderme. Car cela confirme mon intuition. Elles sont partout. Elles s’insinuent sans cesse dans le corps des vénérables habitants de l’Emperocratie. Est-ce que vous me permettez de vous faire un aveu, Maître ? Figurez-vous que j’ai été contraint, oui contraint, contraint, contraint, haha haha, contraint, de l’exterminer. J’ai exterminé l’insecte. Je l’ai renvoyé ad patres en dehors de son cuir.
Qui est le plus fort ? Répondez à la question. Qui est le plus fort ? Qu’on réponde à la question. Qui veut répondre à la question ? Qui ose répondre à la question ? C’est moi, seulement moi, car, moi, j’ai tué la fourmi et, ce faisant, j’ai cuit mon frère. Puis, j’ai rigolé un bon coup. Après que j’ai tué mon frère. Le pauvre ne méritait pas de mourir. Mais il n’est plus… pas plus que la fourmi. J’ai fait d’une pierre deux coups. Mon frère et une fourmi. Mon frère est une fourmi qui n’est plus. Une de plus, une de moins. Qu’importe ? La pauvre n’est plus. Il faut rigoler, Maître, de nos bons coups.
Suis-je mort Maître ? Non. Êtes-vous mort, Maître ? Non. Alors, rigolons encore le temps de vivre. Carpe diem ! Carpe Tergum ! Vive l’Emperocratie !
Mais passons. L’objet de cette lettre n’est pas d’évoquer les frasques des fourmis ni la mort de mon frère. Passons, Maître. Mais avant de passer il est recommandé de rigoler un bon coup. Un bon coup à deux. Et comment rigole-t-on ? On rigole ainsi. Haha haha. Hihi hihi.
Votre rire a le mérite d’être magnifique.
Où est mon frère Maître ? Il est en bonne compagnie dans le cimetière des fourmis. .
Le reproche est grave. Des voix—, et pas des moindres—, nous accusent d’avoir envahi l’Italie sous de faux prétextes. Car notre ambition est, paraît-il, de mettre fin à ses velléités d’Indépendance, qui représenteraient une menace pour l’Emperocratie. Rien de plus absurde, Maître. L’Italie est désormais un véritable nid de terroristes, qui se livrent à un combat acharné contre l’Empire. Est-il nécessaire ici de rappeler la lâcheté de ces soi-disant insurgés, qui massacrent impunément enfants, femmes et vieillards ? Nous avons agi ainsi parce que nous ne pouvions faire autrement. Rappelons que nous avons soutenu l’établissement d’une Emperocratie modelée sur la nôtre, malheureusement les Italiens ont choisi un Empereur plus soucieux de terreur que de liberté. Nous respectons évidemment le choix de ce peuple fier et parfois vantard ; il est pourtant des limites qu’on ne peut outrepasser. Et rappelons, par ailleurs, que nous avons tenté d’engager le dialogue avec les ex-dirigeants de ce pays mais ils y sont réfractaires. On sait pertinemment qu’ils soutiennent les terroristes. L’invasion, dans ces circonstances, était la seule option.
Il est facile de nous pointer du doigt, de dire que nous sommes des colons mais qui se souvient de l’attaque contre le bâtiment symbole de l’Emperocratie ? Qui se souvient aussi des morts, des milliers d’enfants ? Qui s’en souvient ? Et aujourd’hui on nous parle d’hypocrisie. Qu’est-ce qu’on est censé faire? Dialoguer avec les terroristes qui jalousent notre mode de vie, nos valeurs ? Dis, donc ! Il faut arrêter avec de telles fariboles. Il est si facile de critiquer autrui, bien assis dans le confort de son salon, mais que savent nos intellectuels bien-pensants de ces hommes et de ces femmes se battant au quotidien contre le Mal sur le terrain ? Ils risquent leur vie au nom de nos valeurs. La situation s’est d’ailleurs considérablement stabilisée en Italie. On sait que ce peuple a le goût du spectaculaire mais notre régime Emperocratique a su les ramener à la raison.
Je persiste et signe, je le trouve scandaleux de décrire cette invasion comme étant illégale. Personne n’aime la guerre mais elle est parfois le moindre mal. Il faut donc tuer les bêtes (et fourmis) avant qu’il ne puissent exercer leur férocité, ôter le masque, ouvrir leurs grosses bouches pleines de dents jaunes pourries, nous avaler de l’intérieur, manger à leur faim sous notre peau à nous. Que les chiens de la médiocrité aboient. La caravane de la lumière, le fil de l’Histoire de l’Emperocratie doivent pouvoir avancer.
Et elle avancera, ne cessera d’avancer. La voyez-vous, Maître, la caravane, la belle caravane, la splendide caravane qui avance à vive allure ? Savez-vous Maître que la caravane écrase les fourmis puantes sous ses roues ? Savez-vous qu’elle leur roule dessus et qu’elle les écrase à plat ? Et que ça fait un drôle de bruit, bruit de fourmis qui meurent. Pachak. Ça fait pachak et pachouk. Un bruit remarquable, Maître. Petite musique des rouages du temps. Mais la mélodie qui me plaît le plus, c’est celle du couteau qui extrait la fourmi du corps de mon frère. Comme il criait, le couteau ! Un chant de libération !
Quel est donc ce bruit, Maître ? Pas de pachak, encore moins un pachouk. Mais un autre bruit, des plus étranges.
Qu’importe, il n’est qu’une chose qui compte : la mort des fourmis. Il faut les tuer. Mais avant que je n’en tue d’autres, des milliers d’autres, avant que je ne vous raconte mes exploits, il faut rigoler un bon coup.
Rigolons Maître. Haha haha ha. Hihi hihi hihi hi. Riez après moi, dans la bonne humeur. Hahaha. Hihihihi.
Est-ce que vous riez, Maître ? Je ne vous entends pas. Faut pas arrêter car c’est bon pour la santé et le rire éloigne les fourmis. C’est le rire qu’ils aiment pas, eux, qui adorent la musique des cris.
Désormais, j’enfonce mon couteau dans les corps de tous les contaminés. Je sais l’art délicat de tuer la fourmi. Je suis expert. Et je rigole.
Qu’est-ce que je fais ? Je rigogogogogogle. Qu’est-ce que je fais ? Je rigoogle. Je rigoogle. Je google le rire et j’en ris.
Ha ha ha. Hi hi hi hi. Avez-vous déjà vu le corps sans vie d’une personne sans fourmis ? Sans vie, sans fourmis. Four. Mis. Sans. Vie. For. Me. En langue barbare anglaise. À l’ancienne, on regoogle en anglais !
Riions un peu. Le rire Anti-Four-Mis. J’ai tué, il y a quelques jours de cela, une vieille femme. Petite mimi. Parce qu’il y avait des Four. Mis. Qui. Que. Quoi. Où ? Comment ? Pourquoi ? Pour rire. N’arrêtons pas de rire.
Hahahaha.
Hihihihi.
Hahaha. Hihihi.
Four. Mis.
AAAAAAAAAAAA. IIIIIIIIIIIIII.
Autre problème important à évoquer, à mon modeste avis, celui de la Suisse, pays que nous avions envahi en 2250 pour les raisons que l’on sait. On se souvient que la populace avait commis des actes ignobles à l’égard de la population immigrée, originaire de l’Empire. Alors que cette invasion a rétabli le calme, on nous accuse aujourd’hui de reléguer la population suisse dans des quasi-prisons et de les persécuter. Une de fois plus, nos intellectuels bien-pensants ont tout faux. Notre pratique est celle de la ‘ségrégation positive,’ car il reste des clivages pour le moment insurmontables entre nos compatriotes et les autochtones. Pour établir la paix que nous souhaitons si vivement, il nous faut des interlocuteurs sensibles. Nous constatons le refus systématique d’engager le dialogue et le recours à des méthodes peu louables. Certains prétendent même que ce qu’on appelle désormais la ‘quasi-prison de Neuchâtel’ serait une honte, alors que c’est l’exemple le mieux réussi de ségrégation positive. Mais peut-on procéder autrement quand on sait que ce lieu fabrique du terrorisme ? Nous avons affaire à un peuple qui ne comprend guère le langage de l’Emperocratie.
Il nous faut des interlocuteurs qui inspirent confiance, ayant les mêmes objectifs que nous. On bute, au contraire, sur le silence. On nous affirme vouloir la paix, puis on procède à des attaques terroristes sur les civils. Cela est scandaleux. Ce sont des jaloux, ceux qui veulent miner notre suprématie, alors que l’Emperocratie tient à cœur les intérêts des peuples faibles. La ségrégation positive est au service de ceux qui veulent se protéger des terroristes vivant parmi eux.
Une fourmi putride est-elle apte à assimiler nos valeurs ? Voilà la question.
Hahahaha. Hihihi.
Four. Mis. Four. Mis.
Maître, avez-vous déjà vu une fourmi volante ? Elle fait vroum dans le ciel et elle a de nombreux pouvoirs. Pou. Pou. Pou. Voirs. Voyez-vous les poux ? Nous devons les tuer, vous dis-je. Hahahaha. Hihihihi.
Mais revenons à nos moutons pouilleux.
Il faut aussi parler du Mur, le fameux Mur de la discorde, objet de toutes les polémiques. Les esprits chagrinés nous accusent d’avoir construit le ‘Mur de la honte’ afin d’officialiser le racisme. Sornettes que tout ça, Maître. Il est des réalités que nul aveuglement ne peut dissiper. Nous sommes tous humains mais, bon, il n’empêche que nous sommes différents. Il est déshonorant, de nos jours, de dire la vérité. On peut tout dire sauf la vérité. Il faut mettre un terme à ce bonenfantisme qui nous fait accroire que tous les humains sont faits pour vivre ensemble. Non, messieurs dames les intellectuels, messieurs dames les adeptes du bonenfantisme, il n’y a, il est vrai, qu’une seule race, la race humaine mais des millénaires de culture et de raffinement nous séparent.
Et s’il est de notre devoir d’éduquer les masses, il faut néanmoins rester lucide et reconnaître que cela prendra du temps, sans doute des siècles. D’où le Mur. Non, ce n’est pas, comme on l’a dit, une ode au racisme, c’est le fruit d’un constat : les membres de l’Emperocratie ne peuvent coexister avec les Suisses. D’une part, il s’agit d’une question de sécurité : au sein de la communauté suisse, laquelle comprend des personnes souvent charmantes, se trouvent des terroristes prêts à tout. On sait que, depuis la construction du Mur, le nombre d’actes terroristes a brutalement chuté. D’autre part, il est un fait : les citoyens de l’Emperocratie n’ont rien en commun avec les Suisses. Est-ce qu’il nous est permis d’énoncer la vérité alors que le politiquement correct sévit ? Nous sommes, Maître, différents.
Nous sommes des êtres cultivés alors qu’il vivotent dans la barbarie. Nous sommes des êtres raffinés alors qu’ils en sont encore à apprendre les bonnes manières des moutons. Nous mangeons des plats raffinés alors qu’ils bouffent de la paille indigeste. Nous sommes des êtres paisibles alors qu’ils sont les partisans de la violence. Nous sommes des êtres dotés d’une vision alors qu’ils sont incapables de prévoir des lendemains. Et ces différences, Maître, ne sont pas les élucubrations d’un esprit fatigué, mais des réalités bien concrètes. Incontournables. Rien n’est plus réel.
Qu’on le veuille ou pas. Ce mur est, en d’autres mots, l’expression de notre pragmatisme. On aimerait bien les voir, Maître, nos intellectuels bien-pensants, à subir au quotidien l’attaque des barbares. On se demande si les grands esprits du salon trouveraient alors le temps de vanter les mérites de la fusion des cultures et d’autres âneries du même genre quand ils connaîtraient les cris du couteau dans le ventre de la fourmi.
Riions encore un coup, Maître. Un coup dans le ventre de la Méditerranée, comme une caravane de pirogues que le vent de la tempête fait écouler sans histoire.
Hahahaha. Hihihihi.
Peut-on coexister avec les fourmis ? Certes, on peut les respecter. On peut éprouver de l’empathie à leur égard, on peut s’amuser avec elles, on peut même aimer leur chant quand elles se meurent. Mais vivre avec elles ? Coexister ? Quelle horreur !
Four. FOU. Mis.
Mettons qu’on les tue, ces fous mis à l’épreuve dans la prison de nos corps.
C’est pour mieux les aimer !
Hahahahaha.
Hihihihihihi.
Rigolons un peu :
Alors que je vous écris, Maître, j’apprends qu’il se produit, en ce moment, de graves événements, en Europe, qui confirment, si besoin en était, mes intuitions. Ainsi, selon la ENN et la EBC, des terroristes hollandais en collaboration avec leur collègues suisses lancent des missiles sur les habitants de Neuchâtel. Ces mécréants (pardonnez-moi ce mot excessif Maître—, j’écris sous le coup de l’émotion) ont tué trois personnes. Je ne cesse de dire qu’on ne peut leur faire confiance, je ne cesse de dire qu’ils sont barbares, et pourtant personne ne m’écoute. On me croit un plaisantin, un citoyen-bouffon, alors qu’on n’entend que l’explosion de bombes.
Et nous pouvons aujourd’hui faire le constat que nos indifférences, ils assassinent des vieillards. Qui viendra maintenant nous reprocher d’avoir construit le Mur ? Qui viendra maintenant nous reprocher d’avoir instauré la ségrégation positive ? Où sont-ils, ceux qui osent nous critiquer ? Où se cachent-ils ? Derrière quelle peau de vache ?
J’ai appris, par ailleurs, Maître, que nos troupes ont envahi le camp de Neuchâtel, ils se livrent à un combat impitoyable contre des terroristes. Ces derniers ont pris en otage la population et, ce faisant, ils mettent en péril la vie des innocents. Nos soldats n’ont d’autre choix que de bombarder leurs tanières. Il faut en finir une fois pour toutes avec ces fourmis, Maître. Il faut les exterminer, ces fanatiques. Nos soldats ont donc raison d’agir avec détermination. Le viol, le vol, ce n’est pas volontaire. On n’a pas le luxe de s’élever au-dessus de la mêlée quand on se trouve au cœur de la bataille.
Les âmes bienpensantes affirment que nos troupes se sont montrés excessives mais, dans les circonstances, elles n’ont pas le choix. Il est en effet malheureux de constater que des enfants sont morts, plus d’une vingtaine apparemment. C’est la guerre : que voulez-vous ? On ne peut faire d’omelette sans casser d’œufs. Pourquoi les terroristes se réfugient-ils dans les maisons des civils ? Et on avait prévenu ces derniers, leur avertissant des dangers. Ce peuple souffre indéniablement du complexe du martyre. Ainsi, certains ont choisi de sacrifier leurs enfants (vous avez bien lu Maître, sacrifier leurs enfants). On ne peut guérir un peuple primitif de sa maladie.
Au contraire, saluons, avec votre accord, Maître, nos valeureux soldats, qui se battent à cet instant même pour préserver la vie des innocents. Saluons leur courage, leur abnégation, leur dévouement à ceux qui croient la paix possible. Notre survie dépend d’eux.
Il faut aussi prier, Maître, pour que les Suisses et tous ces peuples qui se croient opprimés comprennent enfin que nous agissons pour leur bien, que nous n’avons qu’un seul but : une nouvelle fraternité à l’aune de l’Emperocratie. Purifiée des fourmis une bonne fois pour toutes.
Un jour, Maître, le Mur cédera sa place aux constellations de la fraternité mais il faut d’abord que ces peuples cessent de pactiser avec le terrorisme. Il est temps qu’ils se débarrassent de l’emprise de philosophies obsolètes, de leurs cultes monothéistes d’un autre temps, qu’ils s’adaptent aux normes civilisatrices de l’Emperocratie. En attendant, la lutte—, impitoyable il est vrai—, continue.
Luttons tous ensemble contre les fourmis !
Dans cette lutte, Maître, je me dois aussi de dénoncer une publication, Medias mensonges et l’Emperocratie, qui se veut provocateur mais qui n’est lui-même qu’un tissus de mensonges. Ce livre se propose de ‘déconstruire le discours dominant de l’Emperocratie, démontrant ainsi la manière dont le langage sert à consolider et à exercer le pouvoir.’ Cet ouvrage mérite l’attention qu’on accorde à un âne en mal d’intelligence. C’est un catalogue de platitudes, mais dont il est important de discuter, étant donné qu’il s’est néanmoins bien vendu. Certains intellectuels bien-pensants osent affirmer que c’est un chef d’œuvre, un livre qui ouvre de nouvelles perspectives sur les relations Emperocratie-Europe et qui nous permet de comprendre ‘les logiques du pouvoir.’ Rien de plus faux.
Je m’explique. L’auteur, qui est, soit dit en passant, un jeune freluquet, nous propose un mini-dictionnaire. Loin de respecter les conventions du genre, ce dictionnaire politique, dont l’objectif est de révéler ‘l’archéologie du discours de l’Empire,’ ne nous mène pas à connaître une nouvelle langue. Le ton est évidemment pompeux ; on en a désormais l’habitude. L’auteur éprouve le besoin d’utiliser des mots grotesques car on sait qu’il se trouvera des adeptes du snobisme intellectuel pour acclamer son vocabulaire insolite. Parmi les nombreux exemples de ses bêtises intellectuelles, la définition que nous propose l’auteur à la page 12 du ‘dommage collatéral.’ On sait bien ce que cela veut dire : en période de guerre, quand on s’en prend aux terroristes, il arrive que d’autres meurent, aussi. Selon l’auteur, ‘dommage collatéral’ est un terme substitué aux mots plus humains, tels que ‘mort’ et ‘personne,’ pour manipuler les esprits, déshumaniser les victimes et justifier la politique impérialiste. Ce serait une tentative de ‘maquiller les véritables desseins de l’Empire.’
Ce jeune auteur a du talent mais ce talent sert à concocter des niaiseries.
Il est vrai que, dans le cadre de notre combat contre ces pseudo-martyres, quelques innocents meurent. On le regrette. Mais nous n’avons pas le choix. Peut-on laisser une maladie ravager un être sous prétexte que le remède a des effets secondaires ? Que doit-on faire ? La guerre est meurtrière. On ne tue pas, contrairement à ce que l’on croit, pour le plaisir. Nos militaires ne sont pas des enfants de chœur. Comment ose-t-on dire que cette terminologie militaire sert à ‘déshumaniser les victimes’ ?
Encore faut-il compter sur les théories du complot : on aurait délibérément inventé ce terme pour justifier notre combat, on aurait tout planifié, tout organisé depuis le début et nos objectifs seraient machiavéliques. Cet intellectuel, et il n’est pas le seul, se veut un spécialiste des complots imaginaires. Selon lui, le ‘terrorisme’ signifie véritablement ‘résistance.’ Je dois vous avouer que j’ai failli m’étouffer en lisant cette tartufferie. J’ai dû boire un fleuve d’eau. Mais comment ce jeune monsieur ose-t-il associer des criminels aux résistants ? La résistance désigne le combat contre l’axe du Mal, le souci de la Justice et la quête du Bien. Comment ose-t-il vociférer de la sorte alors que le péril européen est à nos portes ? Alors qu’ils n’attendent qu’une chose : nous envahir, pour ensuite proliférer sur nos terres. Celui qui détonne une bombe dans un supermarché serait-il un résistant ? Et celui qui tue un enfant ?
Nos chers intellectuels sont tous les mêmes, Maître. Toujours à argumenter, toujours à vouloir prouver qu’ils savent plus que les autres, toujours à répandre leur vomi et leur verbiage alors que des gens crèvent. Je m’emporte, Maître, mais ma colère est légitime, l’enjeu est trop grave et on ne doit pas laisser de telles idées se glisser dans les corps. Il n’est qu’une vérité : un combat oppose le Bien au Mal, un combat oppose ceux qui veulent le règne des Lumières de l’Emperocratie aux fanatiques des Ombres du Mal.
On peut chipoter à propos des mots, en discuter pendant des heures et même des siècles, on peut trouver qu’un vocable convient mieux qu’un autre, mais les faits demeurent. Ce n’est pas une fiction qu’on fabrique dans son salon après un bon dîner, un verre de vin à la main, ce n’est pas un jeu dont l’objectif est de se montrer plus futés que les autres, ce n’est rien de tout ça, Maître. La mort est à nos trousses, le sang gicle déjà, la barbarie se propage pendant que les intellectuels lèvent un verre à une boutade.
Un corps qui se meurt n’est pas une théorie de l’esprit. Et voici le paradoxe : alors même que les intellectuels tentent de subvertir l’Empire, leurs droits fondamentaux sont préservés. Ils sont libres d’écrire, d’exprimer leurs idées, les plus folles soient-elles. Au sein de l’Empire règne la liberté d’expression. N’est-ce pas le signe le plus évident de sa grandeur ?
Et les maudites fourmis ne vont pas s’en prendre à sa grandeur, hein ?
Chantons. Qui tue les fourmis ?
Qui les tue ?
M.O.I. M.O.I.
C’est moi qui les tue à coup de gros couteau. Mon beau couteau. Dans mon corps. Dans celui de mon maître.
Hahaha. Hihihihi.
Mais revenons à nos moutons pourris.
Interrogeons, Maître, une critique émise à l’égard de l’Emperocratie, qui exploiterait, selon certains, les pays de la périphérie. La thèse est la suivante : depuis la découverte du Xqz en 2114, une matière qu’on ne trouve qu’en Europe, l’Empire aurait mis sur pied des stratagèmes pour avoir accès à cette précieuse ressource (qui sert surtout dans les domaines quantique et aérospatial), mais en abusant des droits des Européens. Selon un rapport publié par Emperocraty, des entrepreneurs Emperocrates seraient coupables ‘d’asservir et de dominer’ les Européens. Emperocraty évoque la servitude, le retour aux temps féodaux, des Européens réduits à travailler pour une pitance, blessés ou assassinés quand ils osent se révolter. Moi, je ne suis pas homme à me laisser séduire par la déraison et le pouvoir. Ces histoires ne me font pas marcher.
Rétablissons d’abord les faits. Les grands chercheurs de l’Emperocratie ont découvert les fabuleux pouvoirs du Xqz. En effet, c’est grâce à la Révolution Xqz qu’on est parvenus à coloniser Mars et à augmenter considérablement l’espérance de vie, jusqu’à deux cents ans. Soutenus par des entrepreneurs, nos chercheurs n’ont eu d’autre choix que se rendre en France et en Espagne pour exploiter ce minéral. Etant donné que le Xqz est enfoui profondément sous terre, il a été nécessaire d’avoir recours à la main d’œuvre européenne, très douée, comme on le sait, pour les travaux manuels. Et, dans l’ensemble, cela se passe sans hic. L’Européen est un être chaleureux et jovial, il lui faut le minimum pour être heureux : de l’argent, de la piquette et de la bouffe. Nos entrepreneurs, qui sont des hommes inspirés, ont su les chouchouter en leur procurant un très bon salaire et d’excellentes conditions de travail. Il n’a jamais été question d’exploitation, l’Emperocratie a toujours eu à cœur les intérêts des peuples de la périphérie.
Des entrepreneurs Emperocrates se sont montrés parfois excessifs, mais on peut mettre cela sur le compte de l’enthousiasme. Comment ne pas se réjouir quand on entend le chant lointain des univers parallèles ? Il est indéniable que des abus ont été commis et que l’association Emperocraty n’a pas tout à fait tort. Cela dit, on utilise des termes qui sont, à mon avis, incorrects, comme par exemple, ‘quasi-esclavage’ ou ‘subjugation.’ Au même titre que nos intellectuels bien-pensants, cette association souffre de la bougeotte des mots.
Pardonnez-moi, Maître, de vous assommer de toutes mes réflexions. Cette lettre qui devait être concis s’est transformée en un torrent de mots. Mais l’heure est grave et tout citoyen se doit d’exprimer son opinion. On ne pourra pas un jour dire qu’on ne savait pas. Il y a ceux, Maître, qui sont naïfs, trop épris de leurs égoïsmes ; d’autres comprennent mais, lâches, ils préfèrent se taire.
L’Histoire se souviendra de leur silence de moutons.
De ceux qui se sont laissé bouffer par les fourmis. De ceux qui ne les pas ont pas extirpées du corps de leur prochain. De ceux qui n’ont pas fait hihihihi.
Puis hahahahaha.
Puis hihihihi.
Puis hahahaha.
Les fourmis puent. Mais l’argent n’a pas d’odeur.
Voilà un autre problème : celui des rapports économiques avec l’Occident. On sait que, pour ce qui est Etats-Unis, ce terme d’économie ne convient hélas plus. Une guerre insensée opposant les Rouges aux Bleus depuis plus de deux siècles, ce pays est à genoux. Selon nos critiques, ces fourmis glutineuses, lovées au sein même de l’Empire, l’Emperocratie pratique une politique économique impérialiste qui vise à imposer aux pays de la périphérie le modèle de l’Emperocapitalisme, qui a pourtant fait ses preuves. Celui-ci n’est pas, comme on le prétend, contraire à leurs intérêts. Il ne les exploite pas par l’intermédiaire de nos deux institutions les plus nobles : la Banque Emperocratique et le Fonds Empecrotique. Rien de plus faux, une fois de plus.
À qui donc est-ce que l’Emperocratie doit sa réussite ? Question toute simple, toute bête, à laquelle il est important de répondre. La méconnaissance de l’histoire est à l’origine de tous nos problèmes. Et quelle en est la réponse, messieurs dames les intellectuels bien-pensants ? L’Emperocapitalisme qui permet une croissance rapide tout en atténuant les inégalités, qui est fondé sur une connaissance intime et précise de la nature humaine, qui puise dans les qualités de notre peuple et qui est, aujourd’hui, indépassable. On peut certes améliorer ce modèle—, la perfection n’est pas, Maître, de ce monde—, mais on ne peut s’en passer. Dire le contraire c’est vouloir retourner à l’époque de la Grande Crise.
Soucieux des peuples pauvres, l’Emperocapitalisme a mis sur pied une politique d’aide exigeant que ces pays s’adaptent aux normes articulées autour quatre grands axes (1) Autoriser les entrepreneurs de l’Emperocapitalisme d’investir dans ces pays, en créant les infrastructures requises et en établissant des lois qui facilitent l’investissement. (2) Faire la part belle à l’entreprenariat et s’attaquer au problème du parasitisme, c’est-à-dire à la fainéantise de ces gens qui ne veulent rien faire et qui dépendent de l’état. En somme, il faut cesser de donner des chèques en blanc à ceux qui refusent de travailler, qui font trop d’enfants, qui sont paresseux, qui n’investissent pas dans l’éducation de leurs enfants, qui pratiquent une culture du je-m’en-foutisme. (3) Réaliser des réformes structurelles (notamment la privatisation des secteurs clés de l’économie) sous la haute autorité des instances internationales. (4) Implanter une pratique de l’éthique de l’Emperocratie, difficilement inculquée aux Européens, des êtres encore primaires dans leur ensemble. Rappelons quelques aspects essentiels de l’éthique : Travail, Discipline, Rigueur, Originalité, Respect de l’Empereur, Vénération de l’Empereur, Patriotisme, Respect de l’ordre et des hiérarchies.
L’Empereur aurait pu se contenter de laisser les pays pauvres se morfondre dans la fange. Il a choisi, au contraire, de les épauler. Mais les pays pauvres doivent faire preuve de patience. Bien que la pilule soit difficile à avaler, au bout de quelques décennies, ils récolteront tous les fruits de leurs efforts. Si on suit toutes nos directives à la lettre, un nouveau monde émergera. Et qui osera alors parler d’exploitation, qui osera dire que notre modèle économique sert les intérêts des riches, quand l’Europe aura retrouvée sa prospérité d’antan ? Qui se souviendra des premières mines du Xqz ?
Au bout du compte, on mangera à sa faim.
Tout le reste n’est qu’histoire.
Il est clair que certains de nos critiques sombrent depuis longtemps dans la paranoïa et qu’ils ont perdu tout contact avec la réalité. On serait porté à croire que l’Emperocratie est une omniscience divine, sinon diabolique, qu’elle a tous les pouvoirs, qu’elle peut s’immiscer partout. C’est un ogre qui voit tout, qui entend tout, niché dans le cœur de tout individu.
Mais revenons donc à ces accusateurs. Qui sont-ils ? Les théoriciens du complot croient avoir raison, ils ont la foi, une foi que rien, ni personne ne peut ébranler. Selon eux, l’Empire a instauré des frontières ayant attisé des haines, ne prenant pas en considération les réalités ethniques des pays concernés. Fictives et dangereuses, ces frontières obéiraient à la logique coloniale. Comme les fervents d’une nouvelle religion, les théoriciens du complot reprennent donc cet adage de la vieille Angleterre, divide and conquer.
Rétablissons donc les faits. Pourquoi est-ce que vous avons dessiné une nouvelle ligne séparant la France de l’Espagne ? Messieurs dames les complotistes, nous avons ciselé ces nouvelles frontières parce que les tribus de ces deux pays maintenant sous tutelle se livraient à une bataille infernale dans le désir d’occuper le même territoire sur la carte. Il fallait gérer cette guerre intestine de peuples en mal de paix. Depuis notre intervention, nos citoyens peuvent y émigrer sans crainte, ils y apportent nos lumières tout en facilitant le transit de l’Xqz, aujourd’hui indispensable au progrès, comme vous le savez, Maître.
Certains vont jusqu’à prétendre qu’il faut encourager l’immigration provenant de l’Europe. Mais a-t-on réfléchi aux conséquences ? Pendant combien de temps, Maître, est-ce que nos concitoyens devront subir ces aficionados de la culture des frites et de la bière ? Le nombre démentiel d’immigrés occidentaux dans nos terres provoque une lente et insidieuse occidentalisation des mœurs. À cet avilissement, nous proposons l’alternative suivante : une immigration sélective. On dispose de techniques sophistiquées nous permettant quasi instantanément de déterminer le profil génétique de chaque individu. L’Occidental est avant tout un être charnel mais, grâce à ce test effectué en quelques minutes, on peut savoir si tel ou tel extra-altern fait inhabituellement preuve d’Emperorationalité—, condition essentielle, vous en conviendrez, pour intégrer notre civilisation.
Il nous faut agir, il en va de l’équilibre de l’Emperocratie. Aujourd’hui, on leur permet d’ouvrir un bar occidental, demain on leur permettra d’instaurer leur système juridique d’inspiration religieuse.
Il faut se méfier des Four. Mis. Maître. Ils colonisent l’Empire petit à petit de l’intérieur.
Enfin, l’Emperocratie n’est pas et ne sera jamais ‘antireligieux.’ Elle est au contraire convaincue que la diversité religieuse permet l’épanouissement de l’humain. Il est donc d’autant plus malheureux de constater que nos amis les Européens ont abusé de notre générosité, étant dans leur grande majorité des adeptes de l’Europat. Ce nouveau culte, ayant émergé au début du vingt-deuxième siècle, est fort admirable pour ce qui est de ses enseignements spirituels. À maintes reprises, nous avons invité les Europats à procéder à une relecture de leurs textes sacrés, lesquels véhiculent un message de paix et de dénuement. Leurs leaders et fidèles restent néanmoins sourds à nos appels. Au sein des communautés européennes, on constate au contraire l’émergence des Europatistes, qui prônent une lecture littéraliste des textes sacrés et qui cherchent à instrumentaliser la religion comme une arme politique. Prenant de l’ampleur, l’Europatisme recrute de nombreux adeptes parmi les jeunes Européens et au sein même de nos terres.
Il ne faut pas se leurrer, Maître. L’Europatisme récuse toutes les valeurs de l’Emperocratie, il est rétrograde, il fanatise les foules, il relègue l’Europe dans les eaux boueuses de la barbarie. Au sein de l’Europe, au cœur de l’Empire, des milliers d’Europats tissent la toile de leur mépris sanguinaire. Demain, ils érigeront des lieux de prière dans l’Empire, ils obligeront nos femmes à porter la mini-jupe, ils nous obligeront à étudier leurs langues vulgaires, à obéir à leurs lois obsolètes, à coller des chips gras et infectes au palais de la bouche, à participer à leurs guerres tribales et à leurs cérémonies frivoles, ils ramèneront l’Emperocratie à l’ère des Obscurités. La seule stratégie plausible est la fermeté. On ne peut ni négocier avec des maniaques religieux ni dialoguer avec des terroristes. Il faut combattre le feu par le feu.
Vous me pardonnerez, Maître, de vous avoir écrit une si longue lettre. C’est le cœur blessé d’un citoyen ordinaire qui s’exprime. Je sais que vous ne cessez d’œuvrer pour le bien-être de l’Empire, vous êtes son timonier et sa lumière. Il est pourtant évident que des forces maléfiques, jalouses et vengeresses ont procédé à une alliance dont l’objectif est l’annihilation de l’Empire et l’instauration d’un régime barbare.
L’heure est à l’urgence.
Nous voulons instaurer l’utopie, Maître, d’un nouveau monde. Sans fourmis cachées dans le corps des innocents. Un monde qui fera sien la culture de l’Emperocratie et qui cherchera sa perfection en tous lieux. Un nouveau jour se fera. Il y aura une seule et unique humanité réunie sous la volonté de l’Empereur.
Mais la fourmi occidentale est parmi nous, elle attend son heure, elle saura quoi faire pour nous dévorer, elle est insidieuse et, si on ne réagit pas fermement, l’Empire succombera à sa voracité. Les Four. Mis. sont bien là, Maître. Je les vois trop bien. Elles sont là. Comme des milliers de petites pilules qui vont nous avaler. Et je les vois, Maître, je les vois qui arrivent, les Fourmisdentaux, les taux qui montent, les taux qui descendent et les fourmis qui zigzaguent, déguisés en hommes, gluants et puants, et je les vois, ils arrivent en leur beau déguisement d’insecte de couleurs marbrées, ces fourmis glutineuses et pestilentielles, et les Occidentaux, taux, taux, taux vont nous dévorer, ils vont s’infiltrer dans le corps de l’Emperocratie, et ils sont nombreux, des millions, des milliards, des multi-milliards, ils arrivent, à toute allure, les voyez-vous, Maître ? Voraces, ils sont affamés et ils vont détruire L’Emperocratie, vont tout manger de l’intérieur, ils vont nous miner, vont manger à leur faim l’Xqz de nos entrailles.
On va s’amuser : un coup de couteau par-ci, un coup de couteau par là. Tra la la la, chantons ensemble. Allez, on chante. Vous voulez chanter, Maître ? Un coup de couteau par-ci, un coup de couteau par là. Faut pas brûler les livres. Pas de complot dans mes songes et nul mensonge dans les merveilles de notre génie, Maître. Dans le fond, le masque est la peau et la peau masque la mort et il faut les cuire ensemble.
Plus fort. Coup par-ci, coup par là. Dans la mâchoire. Hahahaha. La mâchoire de qui ? De l’empereur.
Pourquoi faire ? Pour en finir avec les fourmis aux dents pourries. Pour diviser. Pour conquérir. On ne se laissera pas faire ! Maître n’a pas que ça dans le ventre. Veuillez admirer notre Ordinatrix. Et marchez, voulez-vous, Maître, vers ce four où les cendres sont de la poudre anti-âge. Que reste-t-il de nos amours ? Vieille chanson. Et je ch.An.|Te. F.O. >urmis Pour en finir avec les Fourmidentaux.
Dans votre panse, Maître, votre pensée, les fourmis. Je vais les extirper, les ex-triper, les faire triper sur la zique. Je les tue. Je vous TUE. Tous. A vos marques. Prêts. Chantez ! Hahahaha. Hihihihi. Des centaines. Des milliers. Hommes ou FOURMIS. Je ne sais plus. Et je suis une fourmi, la plus grosse, la plus gluante et je pue parce que je suis un four à l’eau et au moulin chantons car nous brûlons ensemble tra la la. Bientôt vous, le vôtre, M.a.it.re. Hahahahaha. Ohohoh. Elles a ri. Vent. Rivent. Elles sont en mo.i.moi. Hohoho. Je est un est une Four. Mi. Etes-vous four.mi ? A vos marques. Prêts. Brûlez !
Hahahahah
Hihihihihi
Ils s’en viennent et ils en viennent à nous détruire, ils vont nous bouffer en friture, il faut les ENFERMER dans des camps, faut les TUER, ce sont des bébêtes trop bêtes, nous sommes des moutons trop Panurge et mon frère est une fourmis trop morte.
Hahahahah
Hihihihihihi
…. mais, chhhut, ne riez pas, vous allez leur faire peur.
Vive l’Empereur !
Vive l’Emperocratie !